Les biopuces : un outil révolutionnaire pour le diagnostic de cancer

La biopuce qui permet d’analyser en quelques heures des milliers de séquences d’ARN, et donc de disposer d’une analyse quantitative des profils d’expression d’une multitude de gènes, s’avère être un outil exceptionnel pour classer avec plus de précision les différentes variétés de tumeurs malignes et en découvrir d’autres, indique une étude de chercheurs américains parue dans la revue Science.

La biopuce peut être comparée à une usine miniature capable d’analyser en parallèle plusieurs milliers de séquences génétiques. La surface utile d’une biopuce est souvent inférieure à un centimètre carré. Sur un support qui peut être du silicium, du verre, ou un polymère, sont immobilisés des milliers de brins d’ARN dont on connaît la séquence.

Hybridation moléculaire

Le principe de cette nouvelle technologie exploite un fondement de la biologie moléculaire : la réaction d’hybridation au cours de laquelle deux séquences génétiques dites complémentaires se lien l’une à l’autre.

Ces hybridations ont lieu lorsqu’on met au contact de la biopuce une solution contenant des ARN issus d’un tissu, préalablement amplifiés pour en obtenir en quantité suffisante et marqués par fluorescence. Les petites séquences d’ARN simple brin vont s’hybrider avec les sondes possédant une séquence complémentaire pour former un double brin. Ces réactions d’hybridation sont détectées par un scanner qui lie les signaux fluorescents.

Grâce aux puces à ARN, on peut pour un type de cellules données mesurer la quantité exprimé des différents ARN messagers en établissant au préalable un calibrage avec des gènes dont le niveau d’expression est connu.

Appliqué au domaine du cancer, la biopuce à ARN offre donc une vision plus fine et plus complète, sans égal jusqu’à présent, du fonctionnement du génome des cellules cancéreuses.

Etudier simultanément l’expression de milliers de gènes

Des chercheurs du Whitehead Institute/Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Cambridge ont utilisé des biopuces à ARN pour étudier les profils d’expression de 6.817 gènes humains en utilisant des échantillons contenant l’ARN de cellules de moelle osseuse de 38 patients leucémiques. Vingt-sept étaient atteints de leucémie aiguë lymphoïde (LAL), 11 de leucémie aiguë myéloïde (LAM).

Le Pr Eric Lander et ses collaborateurs montrent que cette approche s’est révélée tout à fait adéquate pour distinguer, sur la seule base du profil d’expression des gènes, ce que l’anatomopathogie, l’immunohistochimie et la cytogénétique permettent de classer comme étant une LAM ou une LAL.

De plus, la technologie des biopuces a permis de découvrir une classe d’hémopathie ne rentrant pas dans les classifications actuelles des leucémies.

“Nous nous attendions à ce que les gènes les plus utiles pour établir une classification des LAM et des LAL soient en fait des gènes marqueurs des lignées hématopoïétiques et pas forcément des gènes nécessairement liés à la progression tumorale”, écrivent les auteurs.

Surprise : il s’avère que de nombreux gènes utiles pour identifier les sous-variétés d’hémopathies codent pour des gènes intervenant dans la régulation du cycle cellulaire, le remodelage de la chromatine, l’adhésion cellulaire, ou sont des oncogènes. De plus, un gène informatif pour classifier les sous-types de leucémies se révèle être celui qui code pour la topoisomérase II, cible principale de l’étoposide, drogue utilisée dans la chimiothérapie antileucémique.

Ces données montrent donc que certains gènes dont le profil d’expression renseigne sur la classe auquel appartient une hémopathie maligne peuvent également s’avérer importants en termes de pathogénèse et de thérapeutique.

L’étude globale de l'expression du génome des celles tumurales pourrait également permettre de comprendre les raisons pour lesquelles un même type tumoral, cancer prostatique ou cancer du sein par exemple, peut avoir selon les patients une évolution indolente ou au contraire foudroyante.

Cette approche peut également contribuer dans certains cas particulièrement complexes à redresser un diagnostic et donc à revoir la thérapeutique.

C’est le cas, rapportent les auteurs, d’un patient chez lequel un diagnostic de LAL atypique avait été posé. Grâce aux biopuces, il fut montré que les cellules malignes retrouvés dans la moelle osseuse de ce malade exprimaient fortement et contre toute attente des gènes habituellement actifs dans le tissu musculaire. En fait, ce patient avait un rhabdomyosarcome et le traitement chimiothérapeutique fut entièrement modifié.

Enfin et surtout, cette approche d’analyse globale du fonctionnement du génome des cellules malignes pourrait permettre d’établir sur une base rationnelle des classifications des tumeurs liées à la réponse au traitement ou à la survie.

Source : Science, Vol.286, 531-537, 15 octobre 1999.

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