Radiologie : le rapport IGAS-IGF ravive les tensions entre rigueur budgétaire et accès aux soins
Mais pour les radiologues, ces mesures menacent l’équilibre même de la profession et l’accès des patients aux soins.
Les constats de l’IGAS : des dépenses en hausse et des inégalités marquées
Selon le rapport, les dépenses de radiologie en ville ont augmenté de 22 % en cinq ans, atteignant près de 3 milliards d’euros. Les auteurs soulignent deux problèmes majeurs :
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Les forfaits techniques : jugés « trop généreux », ils couvriraient en moyenne 163 % des coûts réels d’exploitation. L’IGAS recommande donc une baisse de 11 % pour réduire ce qu’elle qualifie d’« hyper-rentabilité ».
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Les disparités territoriales : le rapport met en avant des écarts importants dans l’accès aux équipements lourds, avec un rapport de 1 à 4 pour les scanners et de 1 à 8 pour les IRM entre régions. Une meilleure régulation est présentée comme nécessaire pour réduire ces inégalités et les délais d’attente.
Parmi les autres mesures proposées figurent un plafonnement des dépassements d’honoraires, un encadrement du secteur 2 et surtout la possibilité de sortir la radiologie du cadre conventionnel, ouvrant la voie à des baisses tarifaires unilatérales imposées par l’Uncam en cas d’échec des négociations.
La FNMR dénonce un "rapport à charge" et quatre contre-vérités
Dès le 18 juillet, la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) a réagi par un communiqué virulent. Elle parle d’« un rapport à charge basé sur des contre-vérités », ignorant la réalité médicale et économique du secteur.
La FNMR pointe notamment :
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Les revenus des radiologues : présentés comme les plus élevés, alors qu’ils ne se situent qu’au 11ᵉ rang selon la CARMF. L’amalgame avec les forfaits techniques fausse l’analyse.
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La rentabilité : le rapport néglige les charges réelles (salaires, immobilier, maintenance, informatique, énergie).
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La durée de vie des équipements : l’IGAS propose 14 ans, contre 5 à 7 ans en pratique. « À l’heure de l’IA, un an, c’est déjà six ans de perdu », avertit la FNMR.
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Le lien entre équipements et volume d’actes : pour la fédération, c’est la demande médicale qui justifie l’augmentation du parc, afin de réduire les délais.
En conclusion, la FNMR estime que l’application des recommandations conduirait à une « dictature sanitaire » et mettrait en péril la médecine libérale.
L’UFMLS fustige une "fabrique du mensonge"
Le 20 août, l’Union française pour une médecine libre et solidaire (UFMLS) a renforcé la contestation avec un communiqué titré La fabrique du mensonge.
Le syndicat accuse le gouvernement et la CNAM de manipuler les chiffres pour justifier des coupes budgétaires. Il dénonce trois « mensonges » majeurs :
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La rentabilité des machines : selon l’UFMLS, les forfaits techniques ne suffisent pas à couvrir les coûts, surtout après la prise en charge des produits de contraste imposée récemment.
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La stigmatisation du secteur 2 : présenté comme un frein à l’accès aux soins, alors qu’il constitue une soupape face à l’instabilité des remboursements.
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L’intelligence artificielle : utilisée comme prétexte pour dévaloriser les actes, alors qu’elle nécessite des investissements lourds et renforce, plutôt que remplace, les compétences des radiologues.
« Cette stratégie mène droit à l’effondrement du système », prévient l’UFMLS, qui compare la situation à celle de la biologie médicale, fragilisée par les politiques de rabot et passée sous contrôle d’investisseurs financiers.
La SFR et le G4 rejettent une vision réductrice de la spécialité
La Société Française de Radiologie (SFR), membre du Conseil national professionnel de radiologie et imagerie médicale (G4) aux côtés de la FNMR, du CERF et du SRH, a publié le même jour une déclaration commune.
Elle juge les analyses de l’IGAS « contestables » et ses recommandations « dangereuses ». Selon la SFR, le rapport réduit la radiologie à une simple prestation technique, alors qu’elle est « une spécialité médicale à part entière, essentielle au diagnostic, au dépistage et aux traitements interventionnels ».
Le G4 critique notamment :
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la sortie de la convention médicale, perçue comme une menace pour la médecine libérale et hospitalière ;
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la baisse des forfaits techniques de 11 %, fragilisant toutes les structures ;
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la limitation des dépassements d’honoraires, qui risque de compromettre la viabilité des cabinets.
La présidente de la SFR, la Pr Marie-France Bellin, insiste sur le rôle central de l’imagerie dans la médecine moderne, citant le dépistage du cancer du poumon via le programme IMPULSION et les avancées de l’imagerie interventionnelle. Pour elle, les coupes budgétaires risquent surtout d’allonger encore les délais (déjà 6 à 12 mois dans certaines régions) et d’accélérer la financiarisation du secteur.
Des enjeux qui dépassent la radiologie
Ce bras de fer s’inscrit dans une dynamique plus large de réduction des dépenses de santé. En 2024 déjà, la CNAM avait imposé 250 millions d’euros d’économies sur l’imagerie, malgré une revalorisation minimale des forfaits face à l’inflation et à la pénurie de manipulateurs en électroradiologie médicale (28 000 en France).
Pour les autorités, la réforme vise à réguler un secteur marqué par des disparités et à garantir la soutenabilité financière du système. Pour les professionnels, c’est l’offre de soins qui est en danger.
Un automne décisif pour l’avenir de l’imagerie
Si aucun accord n’est trouvé avec les syndicats d’ici le 30 septembre 2025, l’Uncam pourra imposer unilatéralement des baisses tarifaires. Les radiologues, unis autour du G4, affirment qu’ils s’opposeront à toute remise en cause de la convention médicale.
Entre maîtrise budgétaire et défense d’une spécialité médicale stratégique, l’automne s’annonce décisif. Plus qu’un simple conflit tarifaire, cette controverse illustre les dilemmes récurrents du système de santé français : équilibrer rigueur financière et accès équitable à des soins de qualité.
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