Stratégie de prévention de l'infection VIH/Sida, en France pour les années 2001- 2004

L'élaboration de la stratégie de prévention dans l'infection VIH / Sida repose sur un travail de collaboration entre les DRASS, DDASS et les différentes associations, face à la priorité de santé publique que demeure cette maladie.

Les objectifs de cette prévention sont d'enrayer les risques de diffusion et de reprise épidémique, ainsi que leurs conséquences, en terme de santé publique. Ils reposent sur une synergie des acteurs communautaires et doivent être articulés avec les programmes de prévention en matière de contraception, de MST, de VHC et de conduites addictives.

L'infection VIH demeure une priorité essentielle, compte tenu de sa progression mondiale, alors que, malheureusement, l'on constate aujourd'hui, une baisse d'intérêt global.

La faible prévalence française en est peut-être bien la raison (90 000 à 110 000 séropositifs), mais, il faut intégrer l'existence de groupes à haute prévalence, ainsi qu'une grande disparité géographique ; les contaminations hétérosexuelles augmentent régulièrement, alors que les homosexuelles diminuent et on observe une bonne stabilité chez les toxicomanes.

Les multithérapies ont transformé le tableau clinique, intégrant des troubles immunitaires et métaboliques, liés aux effets secondaires des drogues. Le pronostic demeure incertain et les échappements thérapeutiques sont croissants. De plus, les dépistages tardifs, chez les migrants, demeurent un problème (400 cas annuels).

Les lignes directrices et les objectifs publics pour les 4 ans à venir ont plusieurs buts :

- la maîtrise et la réduction de la diffusion de l'infection,

- la réduction de l'incidence des nouvelles infections dans les groupes à risques,

- le soutien des séropositifs et des malades,

- la mise en place d'une prévention dans le long terme,

- la remise en place d'un partenariat des pouvoirs publics avec les associations, les professionnels et les représentants locaux,

- la surveillance épidémiologique de l'infection.

Sur le plan national, il conviendra de cibler des groupes, des situations et des régions prioritaires. L'effort portera sur les jeunes séropositifs avec projets parentaux, les homosexuels de sexe masculin, les groupes à haute prévalence que sont les migrants, les populations des départements français d'Amérique, les usagers de drogues, les sujets en prison ou se livrant à la prostitution.

Il paraît souhaitable de développer une stratégie permettant d'équilibrer les responsabilités hommes/femmes face aux risques des MST, du sida et de la contraception.

Les dispositifs de prévention devront être accessibles à tous, avec des normes préventives univoques, accessibles quel que soit l'âge, le sexe, la culture ou l'éducation, utilisables dès l'entrée dans la vie sexuelle, en tenant compte des différences induites par l'homosexualité, notamment en terme de fidélité. L'acceptabilité du geste préventif doit être améliorée par le biais d'une éducation en matière d'usage du préservatif, à la fois sur le plan physique, économique et psychologique, assurant ainsi aux utilisateurs une vie sexuelle autonome. Les associations ont un rôle à jouer dans cette démarche, mais sous couvert de la responsabilité de chacun.

Avant tout, il convient d'adapter la prévention dans les groupes prioritaires que sont les migrants, les homosexuels masculins, les départements français d'Amérique et les usagers de drogues.

Actuellement, la fréquence des rapports non protégés est identifiée et les difficultés connues, d'où l'élaboration de programmes et d'actions spécifiques. On doit pouvoir assurer un haut niveau de protection, savoir rompre l'isolement affectif et sexuel des séropositifs, apporter des conseils en matière de contraception, quantifier le risque additionnel dans les surcontaminations (lors des rapports entre séropositifs) et apporter des réponses aux adolescents séropositifs quant à leur sexualité. Il faut prendre conscience de l'isolement et du retentissement psychique qu'entraîne la séropositivité, souvent responsables de la poursuite de rapports non protégés, du manque d'information, notamment sur les traitements post exposition, les moyens de contraception et les possibilités de procréation. C'est là le domaine d'excellence des groupes de soutien, d'information, d'éducation thérapeutique ou de paroles.

Chez les homosexuels, on remarque actuellement un relâchement des attitudes préventives et la reprise de comportements à risque, avec une augmentation des rapports non protégés et des MST, tout particulièrement à Paris, alors qu'il s'agit là d'une sous-population qui a su réagir au sida en début d'épidémie, en réduisant le nombre des partenaires, en limitant échanges et pratiques sexuelles et en assurant la promotion de préservatifs. Mais l'arrivée des multithérapies a rapidement eu raison de ces bonnes résolutions et les séropositifs traités, ayant repris goût à la vie, ont de fait repris une activité sexuelle…sans protection.

S'impose aujourd'hui une communication sur la gravité vraie de la maladie, assurant la promotion du dépistage et du traitement post exposition, valorisant la protection sélective, tout particulièrement destinée aux jeunes homosexuels. Et, seule une grosse implication de la communauté gay permettra de sortir de l'impasse.

En ce qui concerne les départements français d'Amérique, il faut intensifier la prévention en tenant compte des modes de vie différents, en calquant les moyens quantitatifs de dépistage sur ceux de la métropole, en prônant la tolérance par rapport aux séropositifs et en favorisant la mobilisation de l'ensemble de la communauté. Et ceci d'autant plus que les partenaires sont nombreux, le recours à la prostitution fréquent et l'usage du préservatif rare. Le risque de rejet lié à la découverte d'une séropositivité explique les dépistages tardifs et la poursuite de la contamination. Par ailleurs, la prise en charge des orphelins s'annonce comme une urgence sociale.

Pour les migrants, il convient de répondre à leurs besoins tout en respectant leurs affiliations communautaires. On remarque que les hommes étrangers vivant en France sont deux fois plus touchés que les français et que la proportion passe à 3,5 pour les femmes, mais que les chiffres des décès sont superposables, ce qui témoigne d'une bonne observance aux traitements. Ce sont néanmoins des populations qui utilisent le moins les protections, qui ont peu accès à l'information et à la prise en charge thérapeutique. La visibilité pourrait leur être apportée par le biais d'actions relais via les médias communautaires et la vie associative. Il faut également mettre en place un processus de lutte contre les pratiques discriminatoires, compte tenu du risque social de la maladie. Les campagnes grand public trouvent là tout leur intérêt, tout comme les services de soins primaires ou la simplification des procédures administratives. C'est dans cette population également qu'il convient de mettre en place une stratégie spécifique pour les femmes souvent mal traitées, et pouvant difficilement se protéger d'une contamination.

Les usagers de drogues constituent un groupe à prévalence maximale, justifiant une information concrète adaptée aux pratiques usuelles en matière d'accès aux seringues et c'est là l'intérêt des services de première ligne, de la prévention des risques liés à la dépendance et de la contamination VHC. Il paraît indispensable d'augmenter la quantité et la qualité des services proposés à ce type d'usagers, de valoriser les groupes de médiation et ceux d'information sur le risque sexuel.

Des situations de vulnérabilité accrue justifient une action spécifique vis à vis de l'infection VIH. Elles impliquent une action directe dans les pratiques sexuelles de groupe ou sur des lieux de drague étiquetés avec mise à disposition sur place de préservatifs ou de gel. Les administrations pénitentiaires ou psychiatriques doivent faire l'objet de formations dédiées compte tenu du nombre de pratiques sexuelles à risques, mais aussi du partage de matériel d'injection de drogues. Dans le même ordre d'idées, une douzaine de programmes destinés aux prostitué(e)s visent à leur faire prendre conscience de la nécessité d'un haut niveau de prévention, mais aussi d'une amélioration possible de leur situation juridique, sociale et sanitaire.

L'effort préventif en population générale doit aussi être mis en avant.

Chez les jeunes, il faut intégrer la prévention VIH dans le cadre très large d'une éducation à la sexualité, prenant notamment en compte les jeunes homosexuels, les inégalités sociales d'accès à la prévention et intégrant l'abord des différents risques, infection VIH, MST, grossesse, risque de stérilité.

Dès l'école, l'identité sexuelle doit être affirmée et c'est certainement là un des rôles fondamentaux d'un partenariat, type CRIPS, entre les professionnels et les associations. Les campagnes de propagande lors des événements festifs doivent être privilégiées, le maintien d'une éducation sexuelle complète et la pérennité de programme de prévention toutes filières confondues ( professionnelles et apprentissage, enseignement public et privé), s'annoncent des bases incontournables.

Chez les adultes, il faut différencier l'approche préventive en fonction du sexe. On remarque une augmentation du nombre des cas de contamination du fait de facteurs physiologiques, mais aussi économiques, sociaux et culturels. Les violences subies ne favorisent pas la mise en place de méthodes de prévention. Il s'agit donc là d'un domaine justifiant un programme de prévention spécifique.

Le renforcement du dispositif de prévention portera sur plusieurs points :

- La recherche du génome viral dans les dons de sang devrait augmenter la sécurité transfusionnelle (le risque actuel étant encore évalué à 1 / 1 000 000).

- La connaissance du statut sérologique du partenaire est un point important et la promotion du préservatif féminin est un palliatif lorsque le préservatif masculin ne peut être employé.

- Prévention de la transmission sanguine par partage du matériel d'injection et de préparation des drogues.

- Prévention de la transmission materno-fœtale.

- Prévention du risque lors des accidents d'exposition de soignants.

- Le TAE (traitement après exposition) a fait ses preuves chez les soignants.

Ce dispositif de prévention repose sur une information actualisée, complète, compréhensible des institutionnels, un partenariat avec les médias et une amélioration du service téléphonique de Sida Info Service. Il faut diversifier les moyens de prévention, mais aussi améliorer leur accessibilité (distribution de préservatifs "variés", information sur les gels, diffusion de matériel stérile).

Il faut maintenir et valoriser le conseil préventif grâce à des compétences pérennes, assurer une bonne accessibilité au dépistage, au traitement post exposition, mais aussi valider une lutte contre la stigmatisation et la discrimination des séropositifs, surtout en milieu de travail.

Les partenaires institutionnels et associatifs doivent être mobilisés autour d'un programme national. Les programmes de 1995-1997 et 1998-2000 ont permis la mise en place d'actions décentralisées et aujourd'hui, un nouveau plan doit voir le jour, dans un contexte de démobilisation associative et de lourdeur liée à la décentralisation. Les orientations du programme national doivent être approuvées, une coordination régionale doit être instituée et des objectifs fixés. Le partenariat associatif sera relancé sur des bases nouvelles, intégrant les réseaux associatifs aux gestions des DRASS et DDASS, avec mise en place d'espace de concertation, de coopérations et de synergie inter-associatives. Mais aussi, des coopérations avec les grands partenaires institutionnels comme l'Association des départements en France, le MILDT, le DIV, le tout reposant sur une organisation locale, sous la houlette du préfet de région… Ainsi, devraient se remobiliser des acteurs locaux, les collectivités locales, les professionnels de santé et des intervenants de diverses origines.

Enfin, toute cette démarche justifie la mise en place d'un dispositif de suivi et d'évaluation de la politique publique par le biais d'indicateurs budgétaires, d'activité et de résultats. Un suivi épidémiologique et des enquêtes circonstanciées sont également au programme, le tout sous la surveillance de l'INVS et de l'ANRS.

Dr Françoise Girard

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