Santé sexuelle féminine : pourquoi les médecins généralistes en parlent si peu
Un sujet tabou dans les cabinets médicaux
Sécheresse vaginale, douleurs, absence d’orgasme ou baisse du désir : les troubles sexuels touchent de nombreuses femmes en péri- et postménopause. Pourtant, ces difficultés sont rarement abordées lors des consultations médicales, en particulier avec les médecins généralistes. C’est ce que révèle une étude publiée en mai 2025 dans la revue Menopause, qui a comparé les pratiques de plus de 700 professionnels de santé en Finlande, généralistes et gynécologues confondus.
Les résultats sont clairs : les généralistes posent significativement moins de questions sur la santé sexuelle que leurs confrères gynécologues. Ils sont également plus nombreux à juger le diagnostic des troubles sexuels féminins comme difficile. L’écart est particulièrement marqué chez les praticiens de plus de 50 ans.
« Ce que cette étude montre, c’est que les généralistes, souvent en première ligne, se retrouvent désarmés face aux troubles sexuels féminins, faute d’outils, de temps ou de formation », commente le Dr Stephanie Faubion, directrice médicale de The Menopause Society.
Des freins multiples et persistants
Plusieurs obstacles expliquent cette réticence. Le plus souvent, les professionnels interrogés évoquent le manque de temps en consultation, un élément particulièrement prégnant chez les médecins généralistes confrontés à la gestion de multiples problématiques lors d’un même rendez-vous. S’ajoute à cela l'absence de formation spécifique à la médecine sexuelle, qui prive les praticiens d’outils concrets pour initier le dialogue et poser un diagnostic.
Les barrières sont aussi d’ordre personnel ou culturel : certains soignants, notamment les plus âgés, expriment une gêne ou un inconfort à aborder la sexualité, en particulier lorsque les patientes sont jeunes ou que l’écart d’âge ou de sexe est important. Les croyances individuelles et la peur de heurter ou de mal orienter la patiente jouent également un rôle dissuasif. Enfin, la crainte de ne pas disposer de solutions thérapeutiques efficaces limite la volonté d’engager la discussion.
Ce cumul d’obstacles contribue à invisibiliser une souffrance pourtant fréquente, et souligne l’importance d’un renforcement des compétences cliniques et communicationnelles en matière de sexualité féminine.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les généralistes étaient plus de deux fois plus nombreux à évoquer un manque de connaissances en médecine sexuelle (aOR : 2,05 ; IC 95 % : 1,36-3,10 ; p = 0,001) que les gynécologues.
Fait notable, les femmes médecins sont plus nombreuses à déclarer être freinées par leurs croyances personnelles, et les praticiens plus âgés rapportent davantage de difficultés à évoquer la sexualité avec leurs patientes. À l’inverse, les médecins plus jeunes semblent plus à l’aise avec ces thématiques, ce qui laisse entrevoir une possible évolution des pratiques.
Une nécessité d’approche interdisciplinaire
La prise en compte des troubles sexuels ne relève pas uniquement de la gynécologie. La médecine générale est souvent le premier point de contact pour les patientes. Quant aux psychologues, sexologues et infirmiers, leur rôle est essentiel pour repérer une souffrance qui ne s’exprime pas toujours directement. Ces problématiques recoupent des enjeux de santé globale, pouvant refléter des troubles hormonaux, cardiovasculaires ou psychologiques, mais aussi des questions d’estime de soi ou de relation à l’autre.
L’étude souligne donc un besoin criant de formation continue sur la santé sexuelle dans les cursus médicaux. En Finlande, des initiatives vont déjà dans ce sens : une formation en ligne en médecine sexuelle vient d’être rendue obligatoire à l’Université de Turku. Un exemple que d'autres pays pourraient suivre.
« Le fait que les plus jeunes médecins abordent davantage ces questions est encourageant, mais il reste des écarts importants à combler », ajoute le Dr Faubion dans le communiqué de la Menopause Society
Les enjeux cliniques, sociaux et systémiques
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Reconnaissance clinique : les troubles sexuels sont rarement identifiés comme motifs de consultation, ce qui retarde leur prise en charge et peut aggraver d'autres plaintes somatiques ou psychologiques.
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Formation des soignants : la médecine sexuelle reste marginale dans les cursus universitaires, alors qu'elle devrait être un socle commun pour tous les professionnels de premier recours.
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Inégalités d’accès : selon le médecin consulté, la patientèle n'a pas les mêmes chances d'être écoutée ou orientée, renforçant les disparités de soins.
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Santé mentale : la qualité de la vie sexuelle impacte l’estime de soi, la relation à l’autre et la santé psychique, autant de dimensions encore peu explorées.
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Défis systémiques : l'organisation des soins, la pression du temps, les tabous culturels ou encore l'absence de protocoles clairs freinent une prise en charge efficace.
Source : Menopause – Aromaa A. et al., « Engagement with patients’ sexual problems: a comparative study among general practitioners and obstetrician-gynecologists », 7 mai 2025.
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