Transformation numérique des soins de santé : un gain de temps pour les médecins ?

Transformation numérique des soins de santé : un gain de temps pour les médecins ? Démographie médicale en berne et hausse de la demande de soins portée par le vieillissement de la population, l’effet ciseaux est redoutable tant pour les patients qui ont de plus en plus de difficultés d’accès aux soins que pour les médecins qui multiplient les consultations et finissent trop souvent par s’épuiser en croulant sous le poids des exigences règlementaires, des contraintes informatiques et des tâches administratives. Dans un contexte généralisé de digitalisation de l’économie, les nouvelles technologies sont-elles trop chronophages ou au contraire peuvent-elles être une solution et aider les médecins à gagner du temps ?

La digitalisation des soins de santé est en marche

La Santé n’échappe pas à la digitalisation de l’économie qui transforme en profondeur tous les secteurs d’activité. Pour les professionnels de santé, ce mouvement s’est traduit ces dernières années par l’immixtion dans leur quotidien de nouveaux outils et services numériques et notamment la prise de rendez-vous en ligne, la dictée vocale, l’aide à la prescription, les dossiers médicaux partagés au sein de structures de soins coordonnées entre ville et hôpital et tout dernièrement les téléconsultations et la téléexpertise.

Et cette transformation a tendance à s’accélérer depuis la crise sanitaire liée à la covid-19. La médecine des 4P (prédictive, préventive, personnalisée, participative), l’aide au diagnostic et à la documentation médicale par des assistants médicaux virtuels ou l’intelligence artificielle, la robotisation, la recherche clinique dopée au BIGDATA et au blockchain, l’exploitation des objets connectés pour relever les constantes des patients, personnaliser leur programme d’éducation thérapeutique ou améliorer leur observance… sont autant de facteurs clés de succès dans l’organisation des soins de la prochaine décennie.

En dépit d’avantages multiples pour la santé des patients et la soutenabilité financière du système de soins, les nouvelles technologies ne sont pas toujours associées à un gain de temps dans la pratique quotidienne des médecins. Car certaines induisent des procédures chronophages qui les éloignent de leur cœur de métier : le face-à-face avec le patient.

De plus en plus de temps avec leur écran, de moins en moins avec le patient

En effet la gestion des dossiers médicaux informatisés, la gestion des parcours de soins, la recherche documentaire, la rédaction la documentation médicale, des courriers pour les confrères, des certificats médicaux ou encore la télétransmission des documents à l’assurance maladie sont autant de tâches inhérentes à la consultation médicale, que le médecin passe les yeux rivés à son écran. Tant et si bien que les praticiens passent en effet plus de temps à saisir des données (43 % de la journée) que face à leur patient (28 %).

Ce temps médical perdu réduit la capacité des médecins à accueillir de nouveaux patients ou à recevoir ceux qu’ils suivent habituellement dans des délais compatibles avec une bonne prise en charge. Il s’en suit un recours massif aux Urgences qui ont vu leur fréquentation doubler en 20 ans.

« En 2018, 72 % des médecins se plaignaient déjà de manquer de temps » [baromètre Odoxa] 

Avec la multiplication des consultations complexes en lien avec le vieillissement de la population et les exigences toujours plus élevées en matière de qualité et de respect de la règlementation, ces tâches ont tendance à prendre de plus en plus de place dans l’emploi du temps des médecins qui est devenu au fil des ans de moins en moins tenable, voire pathogène ou mortifère.

Un emploi du temps pathogène en ville comme à l’hôpital

Si les médecins généralistes français libéraux travaillent en moyenne 54 heures par semaine selon une étude de la DREES publiée en mai 2019, plus de 60 % d’entre eux déclarent travailler plus de 50 heures hebdomadaires et 25 % dépassent même 60 heures. Un tel emploi du temps peut vite devenir pathogène quand on sait qu’au-delà de 40 heures de travail hebdomadaires, les risques de burnout sont multipliés par 5 selon une étude l’université de Saragosse.

« Avec des sollicitations permanentes, des tâches administratives excessives, des temps de pause insuffisants dans la journée, l’accumulation du travail en retard, le suivi des cas complexes, la surcharge de travail est bien le premier stresseur […] le temps médical qui manque finit par conduire à l’épuisement. » explique le psychologue Didier Truchot de l’association SPS pour le Quotidien du Médecin.

La sensibilité des praticiens au Burnout est de plus en plus documentée au fil des ans. Une méta-analyse publiée en mars 2019 dans le Journal of Affective Disorders par une équipe coordonnée par le psychiatre marseillais Ziad Kansoun a mis en lumière un chiffre pour le moins édifiant. Selon cette étude qui porte sur plus de 15 000 médecins français, 49 % des médecins français présentent au moins une des trois dimensions du burn-out (IC 95 % 45 %-53 %, P < 0,001).

Ces travaux remarquables présentaient la particularité de différencier l’analyse selon 4 spécialités médicales et le mode d’exercice (libéral versus hospitalier). S’il en ressort que les urgentistes et les internes étaient plus enclins à présenter des signes du Burnout que les généralistes et les anesthésistes, les libéraux étaient autant concernés que les médecins hospitaliers. Travailler en libéral ne serait donc pas protecteur des effets du Burnout en dépit de l’absence de contraintes hiérarchiques et de l’opportunité de s’organiser de façon indépendante.

Plus récemment en avril 2021, une étude de Nuance sur le bien-être et les besoins du personnel soignant, réalisée avec HIMSS (Healthcare Information and Management Systems Society) auprès de plus de 400 médecins et infirmiers dans 10 pays différents révélait que près de 7 soignants sur 10 déclaraient ressentir les symptômes du Burnout. Des chiffres qui soutiennent l’idée que la situation de souffrance au travail des médecins s’est probablement dégradée après un an de crise sanitaire liée à la covid-19.

« C’est un métier qui peut être épuisant, c’est une charge de travail énorme. On travaille avec l’humain, on donne de notre personne, et il faut le dire : 50 % d’entre nous en ce moment, présentent des signes de souffrance au travail. Améliorons les conditions de travail, pour améliorer la qualité de vie au travail et notre qualité de vie personnelle. » explique le Dr Ziad Kansoun pour Egora.

L’ergonomie des interfaces de saisie conditionne le temps passé devant les écrans

La réduction du temps passé par les médecins à saisir des données derrière leur écran est donc devenue un facteur déterminant pour améliorer leur qualité de vie au travail, réduire leur sensibilité au syndrome d’épuisement, et au bout du compte favoriser leur épanouissement personnel.

En 2018, le New England Journal of Medicine (NEJM) a interrogé des directeurs d’établissements de soins à l’occasion d’une enquête sur la prévalence du Burnout chez les praticiens. Deux solutions ressortaient clairement de cette enquête : la délégation des tâches administratives à des assistants médicaux (54 %) et l’amélioration de l’ergonomie des interfaces de saisie des applications médicales (46 %).

« Les interfaces de saisies médiocres, les alertes distrayantes et inutiles, et les procédures de documentation médicale inefficaces et fastidieuses contribuent de façon significative au burnout des médecins », insiste un rapport du Harvard Global Health. Ce rapport préconise par ailleurs l’usage de la reconnaissance vocale, l’amélioration de l’ergonomie, la personnalisation des dossiers patients ainsi que l’usage de solutions de mobilité comme leviers de lutte contre le syndrome d’épuisement professionnel.

La reconnaissance vocale fait gagner du temps aux médecins libéraux et sécurise le parcours patient

La reconnaissance vocale a en effet déjà prouvé sa capacité à faire gagner du temps aux médecins qu’ils soient libéraux ou hospitaliers. Le calcul est simple les médecins peuvent dicter 150 mots à la minute alors qu’au clavier la vitesse de frappe se limite dans les meilleurs des cas à une cinquantaine de mots. Avec la reconnaissance vocale, la saisie des données dans le dossier médical est donc 3 fois plus rapide. Le temps global passé à rédiger la documentation médicale diminue de 45 %, ce qui se traduit pour chaque médecin libéral par 90 minutes de gain de temps quotidien.

Les dossiers médicaux sont également bien mieux tenus et plus complets. Les médecins y apportent plus de précisions en y intégrant des phrases complètes alors qu’avec le clavier ils ont tendance à limiter la saisie au minimum en incluant des acronymes et des abréviations qui finissent par entraver la compréhension.

Pour les cabinets ou les établissements qui délèguent à une secrétaire médicale la saisie de la documentation médicale, les avantages de la reconnaissance vocale sont doubles. En évitant le recours à un intermédiaire, les risques d’erreurs sont limités et le parcours patient est plus sécurisé. Le temps que passaient les assistants médicaux à la saisie des documents peut également être utilisé à des fins plus importantes comme l’accueil et la préparation du patient par exemple.

Au-delà du dossier médical, c’est toute la relation médecin-patient que la reconnaissance vocale a le pouvoir d’améliorer puisque ni l’écran ni le clavier ne viennent s’interposer entre les praticiens et leurs patients.

« Faire du clavier d’ordinateur un outil de saisie de “deuxième intention” n’est pas uniquement une théorie, mais une réalité très pratique… L’utilisation des technologies de reconnaissance vocale est également très prometteuse pour redonner aux soignants du temps précieux pour se recentrer sur ce qu’ils font le mieux, c’est-à-dire soigner les patients et améliorer leur état de santé. » Dr Charles Alessi, Chief Clinical Officer, HIMSS

À la recherche du temps médical perdu à l’hôpital

À l’hôpital la reconnaissance vocale est un projet structurant qui permet de revoir les processus métier afin de non seulement gagner du temps et de l’efficience, mais aussi de satisfaire les exigences règlementaires de plus en plus nombreuses. Par exemple à l’Hôpital européen de Marseille, les urgentistes ont réduit de 25 % le temps de prise en charge des patients en ayant recours à la reconnaissance vocale pour renseigner le DPI.

À l’Hôpital Paris Saint-Joseph, la reconnaissance vocale est utilisée depuis 2018. Plus de 350 médecins utilisent cette technologie pour saisir les données cliniques dans le dossier patient informatisé, produire les lettres de liaison, rédiger leurs emails, etc. Elle a permis d’atteindre le taux de 85 % des lettres de liaison produite, le jour de la sortie du patient, ce qui est un critère de qualité exigé par la HAS.

« Pour les médecins dicter dans le dossier patient est devenu aussi naturel que l’usage du clavier auparavant. La reconnaissance vocale est partie intégrante de leur quotidien si bien qu’ils oublient qu’ils l’utilisent. C’est aujourd’hui un acquis » explique Christophe Nicolaï, Directeur des Systèmes d’information du GHPSJ dans une étude de cas publiée par Nuance. »

Le Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc a basculé sur la reconnaissance vocale dans le cloud en mars 2021 avec Dragon Médical One. Si la DSI souhaitait d’abord s’affranchir de la gestion des infrastructures techniques, les médecins avaient besoin d’une solution répondant à leur besoin de mobilité.

« Nos médecins avaient besoin d’utiliser la reconnaissance vocale en dehors des murs de l’établissement. La transition vers Dragon Medical One s’est opérée en toute transparence. La simplicité d’utilisation de cet outil est appréciée par nos 150 médecins et internes qui ont tous accès à la reconnaissance vocale. Le cloud leur permet notamment de bénéficier d’une expérience d’utilisation similaire, quel que soit le poste de travail utilisé », indique Sébastien Beaux, RSI du Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc. « Avec la reconnaissance vocale cloud, je ne relis plus mes comptes rendus de consultation, ce qui me fait gagner 2 à 3 minutes par consultation, soit près d’une heure par jour », complète le Dr Sylvain Ranc, cardiologue. Au bloc les comptes rendus sont désormais validés en 10 minutes.

Le CHU de Lille vient également d’adopter la reconnaissance vocale. L’objectif était de faire gagner du temps médical aux médecins, notamment lors de la production des comptes rendus qui était jusqu’alors particulièrement chronophage. Au bout d’un an, les résultats sont là. L’utilisation de Dragon Medical One, la solution de reconnaissance vocale dans le cloud de Nuance a permis de réduire le temps de production des comptes rendus de 30 à 50 %.

« La reconnaissance vocale joue un rôle dans la réduction des symptômes liés à l’épuisement par le stress : elle permet de gagner du temps dans la création de la documentation, de réduire les délais et d’améliorer le flux de communication et la qualité du dossier patient » explique Philippe Leca sur Nuance.com.

Les médecins entretiennent avec les technologies une relation ambivalente en raison des freins culturels et probablement aussi générationnels. La médecine est une vocation dont les motivations reposent le plus souvent sur l’aspect humain de la relation soignant soigné. Les technologies, sous réserve qu’elles soient mises en œuvre correctement et à bon escient, peuvent devenir les meilleures alliées des médecins dans leur pratique quotidienne. La reconnaissance vocale basée sur l’intelligence artificielle fait partie des technologies qui leur permettent dès aujourd’hui de remplacer des pratiques chronophages par des procédures rapides et intuitives. Elle donne ainsi l’opportunité aux médecins de retrouver une partie du temps médical perdu et de profiter d’une meilleure qualité de vie.

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