Prévention du cancer du col de l'utérus: halte à l’immobilisme

Le premier groupe hospitalier indien pour les soins de maternité et d’accouchement, Cloudnine, adopte la technologie Masimo SET® pour dépister les MCCC chez le nourrisson Longtemps attendue par les professionnels de santé et tout particulièrement défendue par le CNGOF, la mise en œuvre du dépistage organisé du cancer du col de l’utérus au niveau national a été annoncée dans le plan cancer III en avril 2014 (1). Où en est-on fin 2015 ?

D’après un entretien avec le Pr Olivier Graesslin, chef du service de Gynécologie-Obstétrique, Institut Mère Enfant Alix de Champagne, CHU de Reims

La situation n’a pas beaucoup évolué, répond le Pr Graesslin, et cette mesure essentielle de prévention secondaire  reste désespérément stable avec un taux de couverture de moins de 60% en moyenne (2).

Quant à la prévention primaire de ce cancer viro-induit, pourtant accessible et efficace, c’est-à-dire la vaccination contre les papillomavirus, elle est en déclin : moins de 20% des jeunes filles qui devraient en bénéficier sont vaccinées, contre 70 à 80% dans certains pays, comme l’Australie ou le Royaume-Uni (3).

Il est temps que ces deux axes de la prévention du cancer du col, qui est responsable de près de mille décès chaque année dans notre pays, soient effectivement déployés. Si le dépistage organisé dépend d’une volonté politique et de financements ad hoc, la vaccination concerne tous les médecins, mais aussi l’ensemble des médias.

Il faut que les données scientifiques relatives à l’efficacité et à la sécurité du vaccin anti-HPV soient clairement relayées auprès du public, souvent perdu face à des rumeurs circulant sur internet et sur les réseaux sociaux. Les résultats de plusieurs études menées à large échelle dans différents pays ont en effet montré que cette vaccination n’exposait pas à un sur risque de sclérose en plaques ou d’autres maladies auto-immunes (4, 5). Seule une très discrète augmentation de survenue d’un syndrome de Guillain Barré a été mise en évidence, un effet très rare  et des formes généralement très modérées, qui ne remet absolument pas en cause le rapport bénéfice-risque de ce vaccin, comme l’ont encore rappelé les autorités sanitaires françaises en septembre dernier.    

Le dépistage du cancer du col utérin est un moyen efficace de prévention secondaire. Il repose sur le frottis cervico-utérin (FCU) qui permet de dépister les lésions précancéreuses, de les traiter et d’éviter ainsi le passage vers un cancer invasif. Ce FCU peut être réalisé lors d’un simple examen gynécologique au cours d’une consultation avec le médecin traitant, le gynécologue ou la sage-femme.

Le frottis est recommandé chez les femmes de 25 à 65 ans selon un rythme triennal, après deux frottis négatifs réalisés à un an d’intervalle (6). Chaque année en France, 6 millions de frottis sont pratiqués. Ce dépistage a déjà montré son efficacité en permettant une réduction de moitié du nombre de cas et de la mortalité liée à ce cancer. Néanmoins, près de 40% des femmes françaises ne réalisent pas cet examen ou pas assez souvent. Les performances du dépistage peuvent être améliorées en l’organisant sur l’ensemble du territoire, à l’instar du dépistage organisé du cancer du sein, comme cela est fait dans d’autres pays européens.  Il consiste à mettre en place  un système d’invitation des femmes à effectuer régulièrement un frottis.  

Le dépistage organisé devrait permettre d’atteindre en quelques années une couverture de dépistage de plus de 80% des femmes (l’objectif affiché du Plan Cancer III), et ainsi de réduire de plus de 20% le nombre de décès. Ce taux est atteint dans les régions où le dépistage organisé a été mise en place, mais, globalement, dans notre pays, il n’est que de 58%, avec non seulement des disparités régionales mais aussi des différences en fonction des milieux socioprofessionnels. Faute de suivi gynécologique régulier, les populations défavorisées ne bénéficient en effet que très peu du dépistage individuel.
Des efforts particuliers doivent être déployés pour toucher les populations les plus vulnérables.  

Préconisé depuis plus de 20 ans par le CNGOF, le dépistage organisé a été inscrit, avec l’extension de la vaccination anti-HPV,  dans les priorités du Plan Cancer en 2014, mais il n’est toujours pas mis en place, déplore le Pr Graesslin. Pour quelles raisons ?  L’absence de réelle volonté politique ou de moyens  pour lutter contre un cancer féminin dont la gravité n’est pas toujours perçue? Pourtant on dispose dans chaque département d’une association en charge de l’organisation des dépistages systématiques, celui du cancer du sein et celui du cancer colorectal, il suffirait donc que le dépistage du cancer du col soit inclus dans ces structures.  

Le manque de financements ? Pourtant ce dépistage ne coute que 1, 20 € par femme et par an. Il n’y a donc aucune raison pour que cette prévention secondaire ne soit pas offerte à toutes les femmes de 25 à 65 ans selon les recommandations.  

La révolution vaccinale : petit rappel pour tous

Polio, tétanos, diphtérie, des maladies oubliées, tout du moins dans les pays industrialisés,… grâce à la vaccination. Même les vaccinoseptiques ne le contestent pas et d’ailleurs la quasi totalité de la population est d’accord pour se faire vacciner contre ces « vieilles » maladies. Mais qui sait que la vaccination contre la rougeole ou celle contre l’hépatite B permet d’éviter encore plus de décès que ces vaccins « obligatoires ». Les tableaux ci-dessous nous éclairent en chiffres sur le bénéfice de la vaccination et la réduction de l’incidence des maladies à prévention vaccinale, quand la couverture vaccinale est suffisante.  

Vaccination anti-HPV : efficacité et sécurité démontrées 

Le second volet de la prévention du cancer du col repose sur la vaccination contre les papillomavirus. L’infection persistante de la muqueuse cervicale par un papillomavirus humain (HPV) constitue en effet une condition nécessaire au développement du cancer du col utérin et des lésions précancéreuses (7).
Les HPV 16 et 18 sont en cause dans plus de 70% des cas (7). L’efficacité des vaccins anti-HPV a été largement démontrée dans des études cliniques, mais aussi en vie réelle. Ainsi, en Australie, depuis l’introduction de la vaccination, une baisse importante de l’incidence des lésions précancéreuses CIN2  chez les jeunes filles a été mise en évidence (8).  Au Royaume-Uni, le taux de couverture vaccinale avec 3 doses est > 80 % chez les jeunes filles de 12 ans et >30% chez les 18-26 ans. La prévalence des HPV vaccinaux a chuté rapidement passant de 19,1 % en 2008 à 6,1 % en 2012 chez les femmes de 14-19 ans 4 ans après l’introduction du vaccin (9).   

Les dernières données françaises comme internationales ont confirmé l’absence de relation entre la vaccination anti-HPV et la survenue de maladies démyélinisantes, explique le Pr Graesslin. Il faut que les données scientifiques soient exposées de façon claire et précise à la population pour que cessent les rumeurs propagées par internet qui entravent la mise en œuvre de cette mesure essentielle de prévention primaire du cancer du col. Une vaccination qui permet aussi d’éviter de nombreuses interventions pour des lésions précancéreuses. Une vaccination qui protège aussi contre d’autres types de cancers, de la vulve et du vagin, du pénis, de l’anus, mais aussi ORL.  

Citons ainsi deux grandes études, celle menée en France conjointement par l’ANSM et l’Assurance maladie, et une autre réalisée en Scandinavie.  

La première est une étude de cohorte observationnelle visant à estimer l’association entre l’exposition aux vaccins contre les infections à HPV et la survenue de maladies auto-immunes (4). Menée de janvier 2008 à décembre 2012, elle a porté sur plus de 2,2 millions de jeunes filles âgées de 13 à 16 ans, parmi lesquelles environ 840 000 avaient été vaccinées contre les infections à HPV par le vaccin quadrivalent ou le bivalent et 1,4 million n’avaient pas été vaccinées. Les analyses ont comparé la fréquence de survenue de maladies auto-immunes entre les jeunes filles vaccinées et celles qui ne l’avaient pas été , en s’intéressant à 14 pathologies : sclérose en plaques, syndrome de Guillain-Barré, lupus, sclérodermies, vascularites, polyarthrite rhumatoïde / arthrites juvéniles, myosites, syndrome de Gougerot-Sjögren, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, maladie cœliaque, purpura thrombopénique immunologique, diabète de type 1, thyroïdites et pancréatites. Les résultats de l’étude sont rassurants et confirment ceux de la littérature internationale : l’exposition à la vaccination contre les infections à HPV n’est pas associée à la survenue de ces maladies prises dans leur ensemble, ni à celle de 12 des pathologies auto-immunes étudiées considérées séparément. Seule une augmentation du risque de syndrome de Guillain-Barré* après vaccination contre les infections à HPV apparaît probable. Ce syndrome est un risque connu et figure d’ailleurs dans l’AMM du vaccin quadrivalent. Les résultats de l’étude permettent de préciser le risque d’apparition de ce syndrome qui, compte tenu de la rareté de la maladie, est limité : de l’ordre de 1 à 2 cas supplémentaires de syndrome de Guillain-Barré pour 100 000 jeunes filles vaccinées.  

L’étude scandinave a porté sur près de 4 millions de femmes âgées de 10 à 44  ans dont 800 000 avait été vaccinées contre les papillomavirus 16/18/11/6 et  suivies de 2006 à 2013 (5). 4322 cas de sclérose en plaques et 3300 cas d’autres maladies démyélinisantes ont été identifiées au cours de cette période. Aucune augmentation du risque n’a été observée chez les femmes vaccinées. La vaccination anti-HPV quadrivalente n’est pas associée à la survenue de pathologie démyélinisante, concluent les auteurs. 

Autre démonstration de l’absence de lien entre vaccination anti-HPV et pathologies auto-immunes : une étude cas témoins réalisée en France (10).  Elle a comparé le taux de vaccination de jeunes filles âgées de 14 à 26 ans prises en charge dans un centre spécialisé pour une maladie auto-immune et de témoins de même âge indemnes de toute maladie. Les investigateurs n’ont retrouvé aucun lien entre la survenue de ces affections et une vaccination anti-HPV.   

Les bénéfices attendus de cette vaccination en termes de santé publique restent bien plus importants que les risques auxquels elle peut exposer les jeunes filles. 

Ne répétons pas le drame de la vaccination contre l’hépatite B, insiste le Pr Graesslin. La vaccination anti-HPV constitue une avancée majeure pour la santé des femmes. Les recommandations de l’ensemble des autorités sanitaires et des sociétés savantes doivent être mises en œuvre. Cette mesure de prévention primaire chez les jeunes filles, qui aura en outre un effet bénéfique pour l’ensemble de la population en diminuant les infections à papillomavirus responsables d’autres types de cancer, doit bien entendu être accompagnée par la généralisation du dépistage organisé par FCU au niveau national pour toutes les femmes de 25 à 65 ans. L’association de la vaccination, si la couverture vaccinale est supérieure à 80%, et du dépistage organisé permettrait de réduire de plus de 95% le risque de cancer du col.  

 

* Le syndrome de Guillain-Barré (ou polyradiculonévrite aiguë inflammatoire) est une atteinte des nerfs périphériques caractérisée par une faiblesse voire une paralysie progressive, débutant le plus souvent au niveau des membres inférieurs et remontant parfois jusqu'à atteindre les nerfs respiratoires. Ce syndrome est fréquemment précédé d’une infection et a été rapporté après d’autres vaccins. Il évolue favorablement sans séquelles neurologiques dans la grande majorité des cas : 90 à 100% des cas chez l’enfant et l’adolescent.   

(1) Plan cancer 2014-2019. Guérir et prévenir les cancers : donnons les mêmes chances à tous, partout en France. http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2014-02-03_Plan_cancer.pdf

(2) Pathologie cervico-utérine : dépistage et surveillance des lésions précancéreuses et cancéreuses. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire n°13-14-15 du 20 mai 2014

(3) Vaccination contre les infections à papillomavirus humains. Haut conseil de la santé publique. Rapport du 10 juillet 2014 

(4) Vaccins anti-HPV et risque de maladies auto-immunes : étude pharmacoépidémiologique. ANSM-CNAM. Septembre 2015 

(5) Scheller NM, Svanström H, Pasternak B, Arnheim-Dahlström L et al. Quadrivalent HPV vaccination and risk of multiple sclerosis and other demyelinating diseases of the central nervous system. JAMA. 2015 : 313:54-61.  

(6) Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale. Pratique des frottis cervicaux pour le dépistage du cancer du col. recommandations et références médicales, 1995 ; t2,9-24. 

(7) Centre national de référence des Papillomavirus humains (CNr HPV), institut Pasteur. http://www.pasteur.fr/ip/easysite/ pasteur/fr/sante/info-hpv 

(8) Brotherton JM, Fridman M, May CL, Chappell G et al. Early effect of the HPV vaccination programme on cervical abnormalities in Victoria, Australia: an ecological study. Lancet. 2011 18 ; 377 : 2085-92. 

(9) Mesher D, Soldan K, Howell-Jones R, Panwar K et al. Reduction in HPV 16/18 prevalence in sexually active young women following the introduction of HPV immunisation in England. Vaccine. 2013 ; 32 : 26-32.  

(10) Grimaldi-Bensouda L, Guillemot D, Godeau B, Bénichou J et al. Autoimmune disorders and quadrivalent human papillomavirus vaccination of young female subjects. J Intern Med. 2014 ; 275 : 398-408. 

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