Les médecins généralistes libéraux en burnout selon une nouvelle étude SPS

Les médecins généralistes libéraux en burnout selon une nouvelle étude SPS L’association Soins aux Professionnels de Santé (SPS) et le Pr   Didier Truchot, professeur  de psychologie  sociale  du  travail  et de la  santé  à  l’Université  de Bourgogne Franche-Comté à Besançon, en partenariat avec Vidal, ont collaboré pour mener une étude sur l’état de santé des médecins généralistes. L’objectif était, plus précisément, d’identifier les types de stresseurs auxquels ces professionnels de santé font face dans leur exercice quotidien, d’évaluer leur impact sur leur santé et sur leur burn out.

Un degré de burn out élevé chez les médecins généralistes

L’étude* menée par SPS et le Pr Didier Truchot sur la santé des soignants, en partenariat avec Vidal, révèle des scores élevés dans deux dimensions importantes du burn out : l’épuise- ment professionnel et la dépersonnalisation. L’épuisement professionnel correspond au sentiment de ne plus avoir de ressources pour répondre aux demandes des patients, de ne plus être motivé pour son travail, d’avoir une grande perte d’énergie, avec un sentiment de dysphorie proche de la dépression. La seconde variable – la dépersonnalisation de la relation avec l’autre – correspond, quant à elle, au fait de mettre de la distance entre soi et le patient.

 

L’influence des variables sociodémographiques

Les femmes plus touchées par l’épuisement professionnel

Il apparait dans l’enquête que les femmes ont un degré d’épuisement professionnel significa- tivement plus important que les hommes. Ce résultat est retrouvé dans la plupart des autres études. Il est lié au fait que les femmes évoluent davantage dans un registre émotionnel et s’occupent en plus des tâches domestiques. En revanche, les femmes ont un degré de déper- sonnalisation moindre par rapport aux hommes. Explication : pour traiter les problèmes, les femmes ont tendance à utiliser un registre maternant alors que les hommes emploient un registre plus instrumental.

Vivre en couple protège du burn out

Les personnes qui vivent en couple ont significativement moins d’épuisement et moins de dépersonnalisation que les personnes qui sont seules. Avoir un conjoint est donc un facteur protecteur (via le soutien apporté, les émotions partagées…).

 

Travailler en cabinet de groupe est plus protecteur

Les médecins qui travaillent en cabinet de groupe ont une meilleure santé que ceux qui tra- vaillent seuls, avec un score d’épuisement émotionnel plus faible.

 

L’impact du travail réel sur le burn out

L’amplitude horaire a peu d’influence sur l’épuisement émotionnel et la dépersonnali- sation. Chez les médecins, ce n’est donc pas la charge de travail effective qui joue sur le burn out. Le même constat est retrouvé avec le nombre de consultations. En revanche, plus les consultations sont brèves, plus le degré de dépersonnalisation est important.

Grandes catégories de stresseurs et lien avec le burn out

Les médecins participant à l’enquête ont été interrogés sur la fréquence avec laquelle ils étaient amenés à rencontrer certaines situations au cours de leur travail (choix dans une liste de 36 items reconnus comme stresseurs).

Une analyse factorielle exploratoire a fait ressortir quatre grandes catégories de stresseurs :

 

la charge de travail : interruptions régulières pendant le travail, sollicitations permanentes, tâches administratives excessives, temps de pause insuffisants dans la journée, confronta- tion à des cas complexes, accumulation du travail en retard…

 

la confrontation à des patients pénibles, difficiles : demandes excessives, demandes de traitement ou d’examen qui semblent injustifiées, manque de coopération dans la prise en charge, arrivée au cabinet avec un diagnostic établi sur internet…

 

le travail empêché, mal fait : travail impossible à faire convenablement en raison de la charge de travail, manque de temps pour l’éducation thérapeutique ou pour le soutien psychologique des patients, impossibilité d’utiliser toutes ses connaissances en raison des exigences, faire de choses contradictoires ou qui devraient être faites autrement, manque de communication avec les différents intervenants (spécialistes, hôpitaux, infirmiers…)…

 

le sentiment de frustration : impossibilité de se rendre en formation en raison d’une charge de travail trop importante, de développer ses compétences et d’en acquérir de nouvelles, culpabilisation lors des départs en vacances, difficultés à trouver des remplaçants…

 

Comment ces quatre grandes catégories de stresseurs sont-elles liées au burn out ? Il ressort de l’analyse que c’est le travail empêché puis la frustration qui ont le plus de poids sur l’épuisement émotionnel. Arrive ensuite la charge de travail. Les relations avec les patients ont, quant à elles, un poids relatif sur l’épuisement émotionnel. Concernant la dépersonnali- sation, on retrouve comme facteurs impactants d’abord le travail empêché puis les relations conflictuelles avec les patients. La frustration joue, quant à elle, très peu sur la dépersonnali- sation et la charge de travail a un effet inverse : plus elle est élevée, moins les médecins déper- sonnalisent leurs patients..

 

Quelle influence sur la fatigue et la satisfaction compassionnelles ?

Etre sans arrêt confronté à la souffrance des autres peut peut amener à ressentir, sur la durée, leurs douleurs, leur détresse. C’est ce qu’on appelle la fatigue compassionnelle. Mais inverse- ment, être au contact des personnes qui souffrent peut procurer de la satisfaction compassion- nelle à travers l’impression d’être utile, de pouvoir leur apporter une aide, un soin.

 

Au final, c’est le travail empêché qui intervient le plus négativement sur la satisfaction compassionnelle : plus les médecins ont le sentiment de ne pas travailler correctement, moins ils ressentent de satisfaction dans leur travail, et plus le risque de burn out est élevé et moins la satisfaction compassionnelle est élevée. D’autre part, c’est la frustration qui arrive au premier rang des facteurs jouant un rôle sur la fatigue compassionnelle. Vient ensuite le tra- vail empêché. La charge de travail objective et le nombre de consultation sont, en revanche, très peu liés à la fatigue compassionnelle.

 

*L’étude sur l’état de santé des médecins généralistes s’est déroulée du 10 au 23 novembre 2017. Elle a été menée auprès de 1 654 professionnels exerçant en libéral et répartis sur toute la France : 46% d’hommes, 54% de femmes ; âge moyen : 50 ans ; 83% vivent en couple, 17% vivent seuls ; 49% exercent en milieu urbain, 35% en semi-rural, 16% en rural ; 81% ont un secrétariat, 19% n’en ont pas ; 62% exercent en cabinet de groupe, 38% sont seuls. Une consultation médicale dure en moyenne 18 minutes. Un médecin travaille 46,7h par semaine. Un médecin fait 26 consultations par jour.

 

À propos de L’intelligence médicale au service du soin

L’activité de VIDAL, société du groupe M3, est entièrement consacrée à l’information sur les produits de santé, la sécurisation de la prescription et l’analyse des traitements dans une perspective d’amélioration continue de la prise en charge thérapeutique. VIDAL diffuse des données et des outils d’aide à la décision mis à jour réguliè- rement, sur des supports papier et web, des solutions mobiles et intégrées dans plus de 200 logiciels-métier, en France et à l’international. Acteur majeur en Europe dans le domaine de l’informatique médicale, VIDAL contribue, en partenariat avec de nombreux laboratoires de recherche, universitaires et industriels français et européens, à la réalisation de projets innovants, notamment dans le domaine de la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse et l’amélioration de la qualité des soins. www.vidalfrance.com

 

À propos de Didier Truchot

 

Didier Truchot est professeur de psychologie sociale du travail et de la santé à l’Université de Bourgogne Franche-Comté à Besançon. Il est membre du Laboratoire de Psychologie EA 3188 où il dirige l’équipe de recherche « Travail, Santé, Professionnalisation ». Il est co-responsable de l’axe A – Epidémiologie, Indicateur de Santé, Sciences Humaines et Sociales – du Cancéropole Est. Récemment il a été Professeur Invité à l’Uni- versité du Québec, à l’Université de Bruxelles et à celle de Louvain la Neuve. Ses travaux portent sur les liens entre travail et santé. Il est notamment l’auteur de l’ouvrage Burnout et Epuisement Professionnel (Dunod).

 

 

À propos de SPS

 

L’association Soins aux Professionnels de Santé (SPS) a pour origine le rassemblement d’un groupe d’experts souhaitant partager et défendre la santé des professionnels de santé rendus vulnérables. Son objectif est de susciter une véritable prise de conscience et de proposer des actions concrètes pour optimiser leur parcours de santé, notamment le repérage, l’orientation et la prise en charge des professionnels de santé en souffrance. Elle organise tous les ans un colloque national qui rassemble des personnalités du monde de la santé souhai- tant partager leurs expériences et les actions engagées en faveur de la protection des soignants vulnérables.

Plus d’informations : www.asso-sps.fr

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