Les experts du cholestérol de la HAS dans le viseur d’Anticor et du Formindep

Les experts du cholestérol de la HAS dans le viseur d’Anticor et du Formindep Selon l’Express, ANTICOR a saisi les autorités judiciaires concernant des liens financiers non déclarés entre des experts de Haute Autorité de Santé (HAS) et des laboratoires pharmaceutiques. Après avoir été ignoré par la HAS pendant 2 mois, le FORMINDEP a formulé une requête devant le Conseil d’État pour faire annuler les recommandations sur la prise en charge des dyslipidémies.

Anticor est une association spécialisée dans la lutte contre la corruption. Elle a déposé plainte contre X au parquet de Bobigny le 3 octobre dernier pour prise illégale d’intérêts. Dans sa ligne de mire, 6 des 9 membres d’un groupe d’experts de la Haute Autorité de Santé qui avait rédigé en 2017 des recommandations sur la prise en charge des dyslipidémies. Anticor accuse ces médecins d’avoir omis des déclarer leurs liens financiers avec les laboratoires pharmaceutiques qui produisent les médicaments anti cholestérol alors que les recommandations qu’ils ont rédigées augmentent considérablement le nombre de patients pour qui un traitement est indiqué.

100 000 euros de liens financiers

Parmi les experts, 2 sont particulièrement pointés du doigt. Le professeur Bruno Vergès, chef de service au CHU de Dijon et secrétaire général de la société française d’endocrinologie, aurait perçu 65 000 euros d’avantages et 36 000 euros de rémunérations, entre 2013 à 2017 de la part des laboratoires MSD, Pfizer, Astrazeneca, Novartis, Sanofi Aventis et Amgen.

Le docteur Jean-Michel Lecerf, chef de service à l’Institut Pasteur de Lille, qui, s’il a bien déclaré ses liens d’intérêt avec l’industrie agro alimentaire aurait omis de déclarer ses liens avec les entreprises du médicament. Il aurait pourtant été rémunéré à hauteur de 25 000 euros en tant que consultant pour MSD et Sanofi-Aventis/Regeneron.

« Je ne suis à la solde de personne. Si l’on se prive de l’avis des experts qui font des recherches cliniques avec les laboratoires, on se limitera à celui de ceux qui ne connaissent rien à rien. » Dr Jean-Michel Lecerf pour l’Express.

Ce que dit la loi

Le Code de la santé publique rend obligatoires la déclaration et la mise à jour des liens d’intérêt que l’expert aurait pu avoir pendant les 5 années précédant la mission d’expertise qui lui est confiée avec des entreprises concernées par sa mission. Le non-respect de cette obligation est passible de 30 000 euros d’amende. C’est à la HAS qu’il revient d’apprécier l’ampleur de ces liens et d’écarter les experts trop proches d’industriels qui pourraient profiter de sa mission.

Article L. 1454-2 du code de la santé publique : « Est puni de 30 000 euros d’amende le fait pour les personnes mentionnées au I et II de l’article L. 1451-1 et à l’article L. 1452-3 d’omettre, sciemment, dans les conditions fixées par ce même article, d’établir ou de modifier une déclaration d’intérêts afin d’actualiser les données qui y figurent ou de fournir une information mensongère qui porte atteinte à la sincérité de la déclaration. »

Le travail méthodique du Formindep

Pour détecter ces omissions, l’association Formindep a comparé les déclarations publiques d’intérêts que les experts ont fournies à la HAS avec la base de données publique « Transparence santé » qui est quant à elle alimentée par les entreprises qui doivent déclarer leurs liens avec les professionnels de santé. Ce travail de fourmi a rapidement porté ses fruits.

« On s’est rendu compte que les auteurs avaient fait des déclarations d’intérêts fausses, ils ne mentionnaient aucun lien d’intérêts alors qu’ils en avaient de nombreux », Jean-Sébastien Borde, vice-président de Formindep pour l’AFP.

Quelles responsabilités pour la HAS ?

La HAS se définit comme une autorité publique indépendante à caractère scientifique. Elle a parmi ses 3 principales missions la recommandation de bonnes pratiques auprès des professionnels de la santé et elle revendique sur son site Internet s’engager pour assurer la rigueur scientifique et méthodologique et l’impartialité de ses travaux. 

Depuis 2016, la HAS a engagé un déontologue dont la mission est justement de prévenir les conflits d’intérêts en veillant au respect des obligations qui incombent aux experts mandatés par la HAS. Le déontologue recommandait dans son rapport annuel publié en mars 2017  d’utiliser le site « transparence santé » comme outil de prévention des conflits d’intérêts.

« Le site “Transparence santé” offre ainsi la possibilité de s’assurer de l’exhaustivité des déclarations d’intérêts souscrites par les professionnels de santé, et par là de renforcer l’efficacité de la prévention des conflits d’intérêts » Daniel LUDET, déontologue de la Haute Autorité de santé, le 31 mars 2017

Si le Formindep a suivi les recommandations du déontologue à la lettre, qu’en est-il du déontologue lui même ?

Le Formindep charge la HAS et demande le retrait de la recommandation

Pour le Formindep, c’est très clair : en dépit des scandales sanitaires passés et malgré le camouflet de 2009 (retrait de 6 recommandations sur injonction du Conseil d’État après une requête du FORMINDEP), « la Haute Autorité a peu à peu repris ses vieilles et mauvaises habitudes. »

Selon l’association, quand, en 2016, Agnès BUZYN prend la présidence de la HAS, elle met la pression pour que soient produites un nombre plus important de recommandations. Ce saut quantitatif est franchi en sacrifiant le niveau d’exigence en matière de qualité des sources et de méthodologie d’élaboration.

« La HAS a fait le choix d’endosser les recommandations produites par des sociétés savantes le plus souvent financées par les firmes pharmaceutiques concernées, rédigées par des médecins leaders d’opinion qu’elles rémunèrent, et parfois élaborées sans même méthodologie décrite ni gradation des niveaux de preuves. La qualité scientifique des recommandations qui en résulte n’est pas assurée. Nombre de recommandations reposent en grande partie sur le seul avis d’experts ; ce faible niveau de preuves est d’autant plus préoccupant lorsqu’il se cumule avec une absence de transparence et d’indépendance. » Formindep

Quand le Formindep découvre les conflits d’intérêts, il en informe la HAS pour lui demander de saisir le procureur et de retirer la recommandation entachée de partialité. Après deux mois d’attente, il n’obtiendra aucune réponse. C’est alors qu’il se décide à se rapprocher d’ANTICOR et à saisir le Conseil d’État afin d’obtenir le retrait de la recommandation.

Une recommandation scientifiquement critiquée

Cette recommandation quand elle avait été publiée en 2017 avait fait l’objet de nombreuses critiques qui dénonçaient l’absence de preuve de l’efficacité des statines en prévention primaire.

Dans un communiqué en date du 31 mai 2017, le conseil scientifique du CNGE marquait son désaccord avec

  • « Une approche basée sur le respect de seuils et des cibles de LDL, car elle n’a jamais été testée ni validée dans un essai clinique randomisé (ECR). Une fois la statine prescrite, cette approche entraîne de nombreux dosages de cholestérolémie souvent inutiles. En prévention primaire, seules les statines à dose fixe et modérée ont montré une réduction des évènements cardiovasculaires2. La focalisation sur les cibles de LDL conduit également à proposer l’ézétimibe en prévention primaire, alors que les preuves de son efficacité n’existent qu’en prévention secondaire chez des patients à haut risque et traités par simvastatine 40 mg3.
  • L’ajout de fibrates aux statines chez les patients ayant une triglycéridémie > 2 g/L et un HDL cholestérol < 0,40 g/L qui est préconisé alors qu’aucun ECR n’a démontré l’efficacité de cette stratégie en termes de morbimortalité4. »

 

Si la revue Prescrire affirmait dès 2017 que « Ces recommandations incitent à une prescription démesurée de statines », elle enfonce le clou en avril 2018.

« Aucun essai n’a évalué les bénéfices apportés par 10 ans ou plus de traitement par statine, et les risques auxquels un tel traitement expose ne sont pas connus. Les effets indésirables graves notamment diabète et accidents vasculaires cérébraux hémorragiques, et les fréquents effets indésirables musculaires qui altèrent la qualité de vie rendent la balance bénéfices­-risques incertaine en prévention primaire. » Revue Prescrire 

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