Un nouveau virus, transmis par le porc, est à l’origine de la récente épidémie d’encéphalite en Malaisie et à Singapour

L’épidémie d’encéphalite qui a frappé ces derniers mois plus de 250 éleveurs de cochons en Malaisie et employés d’abattoirs à Singapour est due à un nouveau virus transmis par le porc, révèle deux études publiées dans la dernière livraison du Lancet.

Cet agent viral qui n’avait jamais auparavant été décrit appartient à la famille des paramyxovirus. Différent du virus de l’encéphalite japonaise, il a été baptisé virus Nipah, du nom d’une ville de l’Etat de Perak en Malaisie où le virus a été cultivé à partir d’échantillons provenant du premier patient décédé de cette encéphalite.

L’identification de ce nouveau virus doit beaucoup au projet ProMED créé pour assurer, via Internet, une surveillance globale des maladies émergentes. A l’inverse, les premiers articles parus dans la presse et les déclarations intempestives du ministre de la santé malaysien n’ont pas contribué, au début de l’épidémie, à une approche sereine de l’extension de la maladie et de la nature de l’agent causal, indique dans un éditorial le Pr Jeremy Farrar, spécialiste en maladies infectieuses à Ho Chin Minh-Ville (Viêt-nam) et au Radcliffe Hospital d’Oxford (Grande-Bretagne).

Selon ce spécialiste, “cette épidémie s’intègre dans le contexte inquiétant des malades virales émergentes en Asie du Sud-Est, région couramment démunie des installations permettant l’isolement et l’identification des virus”. L’augmentation des cas de dengue dont le profil est par ailleurs en train de changer, la récente description en Malaisie d’un adénovirus B en association à un entérovirus 71 au cours d’une épidémie de syndrome pieds, mains, bouche, et le fait que le virus de l’encéphalite japonaise puisse également provoquer une paralysie flasque mimant la poliomyélite, soulignent “à quel point on sait peu de choses sur le spectre des maladies virales dans ces régions”, ajoute-t-il.

Fermes d’élevage et abattoirs

L’histoire de cette étrange épidémie d’encéphalite remonte à 1997 dans la ville de Nipah. Un patient décède. En septembre 1998, toujours dans l’Etat du Perak, on observe une forte augmentation du nombre d’encéphalite chez des adultes fébriles. Tous les malades sont des fermiers qui travaillent dans des fermes d’élevage de porcs ou qui sont en relation avec la filière industrielle de la viande porcine. Dernier rebondissement : des cas similaires d’encéphalite ont rapportés en mars dernier à Singapour chez des ouvriers d’abattoirs manipulant de la viande de porc en provenance de Malaisie.

Mi-mars 1999, les abattoirs de Singapour sont fermés et on recherche des signes d’infection respiratoire ou neurologique fébrile chez plus de 500 ouvriers. Parallèlement, tous les hôpitaux singapouriens entreprenent une enquête rétrospective sur les maladies développées chez des employés d’abattoirs. Au total, 35 cas d’infection possibles sont enregistrés grâce à ces deux approches.

En mai 1999, le ministère de la santé malaysien, travaillant en collaboration avec les CDC d’Atlanta (Etats-Unis), recense 258 cas d’encéphalite avec un taux de létalité de près de 40%.

Un paramyxovirus jamais décrit

Les deux études publiées dans le Lancet décrivent les aspects cliniques et pathologiques de cette nouvelle infection du système nerveux central à paramyxovirus.

La première, dirigée par le Dr Khean Jin Goh de l’Université Malaya à Kuala Lumpur, livre les résulatats de l’autopsie des trois premiers patients décédés entre février et avril 1999 dans ce centre médical universitaire. Elle montre que cette encéphalite, qui se manifeste par de la fièvre, des céphalées et des troubles de la conscience, s’accompagne de myoclonies, mais également d’hypertension avec tachycardie, ce qui indique une atteinte du centre vasomoteur du tronc cérébral.

Cette infection est différente de celle causée par le virus de l’encéphalite japonaise par bien des points : tous les malades infectés sont des adultes plutôt que des enfants, tous les personnes décédées (des adultes) étaient en contact avec des porcs et nombreux sont les patients qui ont remarqué que ces animaux étaient malades quelques semaines avant qu’ils le soient eux-mêmes.

Par ailleurs, de nombreux malades avaient été vaccinés contre l’encéphalite japonaise. Les membres de la famille des personnes atteintes n’étaient pas malades, pas plus que le proche entourage non exposé à des porcs, ce qui semble écarter une transmission par des moustiques comme dans l’encéphalite japonaise.

Des porcs, des chevaux et des hommes

In vitro , le virus Nipah entraîne la formation de cellules géantes multinucléées (synticia). Les analyses par immunofluorescence révèlent que ce virus est proche d’un autre agent viral récemment identifié : le virus Hendra. Ce dernier a été isolé en Australie (banlieue de Brisbane) en 1994 où il a provoqué une bouffée épidémique se manifestant par une atteinte respiratoire sévère et une encéphalite chez trois personnes travaillant au contact de chevaux de course malades.

L’autopsie des patients malaisiens atteints d’encéphalite a montré des micro-infarctus diffus dans le cerveau et d’autres organes (poumon, rein, coeur), entraînant des thromboses par vascularite. Aucune atteinte pulmonaire clinique ou radiologique n’a été observée. Des inclusions paramyxovirales dans des cellules nerveuses situées à proximité des vaisseaux sanguins touchés signent une infection neuronale directe.

La seconde étude, menée en association avec des chercheurs des CDC d’Atlanta, a été dirigée par le Dr Nicholas Patton du Communicable Diseases Center de Singapour. Elle a porté sur 11 patients atteints d’encéphalite au virus Nipah. Contrairement à la précédente, elle montre que certains patients (3 sur 11) ont tout de même développé une pneumonie atypique. Surtout, l’IRM cérébrale a montré la présence de lésions focales, le plus souvent localisées dans la substance blanche. On observe par contre dans l’encéphalite japonaise une atteinte bilatérale du thalamus avec souvent hémorragie associée.

Huit des neuf patients traités à Singapour par aciclovir par voie intraveineuse ont survécu à leur encéphalite.

Il reste encore aux chercheurs à formellement isoler le virus Nipah ou à amplifier son matériel génétique à partir de tissu cérébral ou de liquide céphalo-rachidien.

Source : The Lancet, 9 octobre 1999; 354 : 1222-23, 1253-56, 1257-99.

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