Cellules CAR-T : le traitement des cancers du sang au seuil d'une importante révolution

Cellules CAR-T : le traitement des cancers du sang au seuil d’une importante révolution La  mise  sur  le  marché  aux  Etats-Unis  des  deux  premières  thérapies  géniques  fondées  sur  la technologie des cellules CAR-T consistant à utiliser les propres cellules immunitaires  génétiquement modifiées du patient pour détruire les cellules tumorales, constituent une possible révolution pour le traitement des cancers du sang.

« La mise sur le marché de ce type de traitement présente une avancée majeure pour les patients. Les résultats  observés  sur le taux  de réponse  complète  sont inédits  et très encourageants.  Nous sommes dans un changement  de paradigme pour traiter les cancers du sang et donc probablement au seuil d’une  importante  révolution  », estime  le Pr Gilles  Salles,  chef de service  en hématologie clinique aux Hospices Civils de Lyon (Centre Hospitalier Lyon-sud) et président du LYSA.

Le  LYSA  (Lymphoma   Study  Association)   est  un  groupe  coopérateur   regroupant   plus  de  500 médecins,  cliniciens  et chercheurs  de 120 centres  en Europe.  Il œuvre  pour la recherche  clinique contre le lymphome, le premier cancer du sang et le 6e cancer le plus fréquent.

L’agence américaine du médicament (FDA) vient d’approuver au cours des trois derniers mois la mise sur  le  marché  américain  de  deux  médicaments  fondé  sur  la  technologie  des  cellules  CAR-T.  Le Kymriah (Novartis), approuvé en août pour une forme de leucémie très agressive chez l’enfant et les jeunes adultes, a montré une rémission chez 83% des patients. Une demande d’extension d’indication a été déposée pour le traitement en troisième ligne du lymphome B diffus à grandes cellules (DLBCL) récidivant ou réfractaire chez des patients ne pouvant subir de transplantation de cellules souches autologues.  Le  second  médicament,  approuvé  en  octobre,  est  le  Yescarta  (Kite/Gilead)  pour  le traitement  également  du  lymphome  B  diffus  à  grandes  cellules,  un  lymphome  non-hodgkinien agressif. Ils s’adressent à des patients en échec des traitements conventionnels.

« Aujourd’hui, pour le lymphome B à grandes cellules, le plus fréquent des lymphomes, il n’existe pas de traitement de référence lorsque le patient en est à sa deuxième rechute. L’immunochimiothérapie donne  des résultats  médiocres,  avec  moins  de 10%  de rémission,  tandis  que le Yescarta  permet d’avoir un taux de rémission de 50%. C’est donc plutôt remarquable », souligne le Dr Richard Delarue, hématologue à l’hôpital Necker (AP-HP) à Paris et membre du conseil d’administration du LYSA.

Disponibles pour les patients français dès 2018 ?

Les demandes  d’autorisation  de mise sur le marché  européen  de ces thérapies  sont en cours. En France,  avec  plus  de  4.000  nouveaux  cas  de  lymphomes  B  à  grandes  cellules  nouvellement diagnostiqués chaque année, et même si la majorité d’entre eux va guérir avec le premier traitement, on  peut  estimer  à  plusieurs  centaines  de  patients  ceux  qui  pourraient  bénéficier  de  ce  type  de traitement, surtout si l’on arrive à mieux prévoir et/ou maitriser les effets secondaires des CAR-T.

« Nous  espérons  que  les  firmes  et  autorités  nationales  de  santé  des  différents  pays  pourront rapidement  permettre  aux  patients  de  bénéficier  de  ces  traitements  innovants.  Pour  les  patients français, nous espérons qu’au travers des essais cliniques qui vont se mettre en œuvre en France et des  dispositifs  d’Autorisations  temporaires  d’utilisation  (ATU),  les  patients  pourront  bénéficier  de l’accès à ces traitements dès 2018 », précise le Pr Salles.

Reste aussi à régler la question du remboursement et de la prise en charge par les autorités de santé nationales car, si une seule injection suffit, elle est facturée néanmoins  actuellement  aux Etats-Unis entre 373.000 et 475.000 dollars (seulement lorsque le traitement a réussi).

« Il faut mettre ces coûts en rapport avec ceux d’autres thérapies récemment approuvées pour divers cancers et les résultats obtenus. Notre système de santé solidaire est mis à rude épreuve avec le coût des nouveaux médicaments mais il s’agit là d’une innovation majeure, d’une rupture technologique, et nous devons considérer la possibilité qui semble ouverte de guérir avec les CAR-T certains patients chez qui les autres traitements avaient échoués », souligne le Pr Salles.

De nouveaux défis pour les hématologues

De nombreuses études vont encore être nécessaires car, pour l’instant, ces traitements ne sont pas efficaces chez tous les patients et leurs effets secondaires peuvent être sévères, voire mortels.

« Un recul plus important permettra de mieux comprendre pourquoi et de savoir quel est l’impact sur la survie de ces patients. Pourra-t-on en guérir certains ? Si oui, lesquels ? Quelle sera la place de ces nouveaux traitements dans l’arsenal thérapeutique et leur efficacité éventuelle dans d’autres types de lymphome ? », s’interroge  le Dr Richard  Delarue,  pour  qui ces  nouveaux  traitements  représentent aussi  un  challenge  pour  les  hématologues.  « Il  va  falloir  préciser  la  mise  en  place  du  circuit  de traitement : prélèvement, manipulation des cellules, réinjection, prise en charge du patient et des complications, ainsi qu’une analyse ‘en vraie vie’ du point de vue de l’efficacité et de la toxicité de ces traitements. Ce sont des points qui nous semble urgents ».

La toxicité de ces thérapies, d’ordre essentiellement générale (fièvre, troubles respiratoires, baisse de tension, etc.) et parfois neurologique (confusion, convulsions, etc.), nécessite en effet aujourd’hui l’administration  de ce traitement  dans des structures  hospitalières  permettant  la prise en charge de ces complications, parfois fatales.

Le LYSA, en tant que groupement  coopérateur  de chercheurs  sur le lymphome,  continue  d’œuvrer pour le développement  et l’évaluation  rapide des thérapies  innovantes.  Un nombre  de centres très limité rattachés au LYSA a pu avoir accès aux essais évaluant cette thérapie jusqu’à présent. « Nous espérons  que  d’autres  centres  du  LYSA  pourront  rapidement  s’inscrire  dans  cette  dynamique », souhaite le Pr Gilles Salles.

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Que sont les cellules CAR-T ?

Le traitement  à l’aide  de cellules  à récepteur  antigénique  chimérique  dites  CAR  (Chimeric  Antigen  Receptor)

consiste  en une immunothérapie  cellulaire.  Des lymphocytes  T (des cellules  de l’organisme  responsable  de la réponse immunitaire dite adaptive – c’est-à-dire qui répond spécifiquement  à un antigène) sont prélevés chez un patient, puis modifiés génétiquement  en laboratoire pour qu’ils expriment à leur surface un récepteur artificiel (dit chimérique).   Une  fois  réinjectées   au  patient,  elles  peuvent   ainsi  reconnaître   spécifiquement   des  cellules cancéreuses et les détruire.

A propos des lymphomes

Les  lymphomes   sont  des  cancers  du  système  lymphatique.   Ils  représentent   l’hémopathie maligne  la  plus fréquente, soit près de la moitié des cancers du sang. Ce sont  des maladies hétérogènes, avec plus de 80 sous- types  de  lymphomes,  ce  qui  rend  le diagnostic  difficile  et nécessite  des  prises  en  charge  différentes.  Ils  se répartissent  en 80% environ de lymphomes  non hodgkinien  (LNH) et 20% de lymphomes  hodgkiniens  (LH). Les lymphomes  peuvent  toucher  tous les âges  (y compris  chez  l’enfant),  sont principalement  ganglionnaires  mais peuvent  toucher  (uniquement  ou en accompagnement)  tous  les organes.  Il existe  ni prévention  ni dépistage. L’incidence a doublé en 30 ans, avec 14.000 nouveaux cas en France chaque année (chiffres 2015).

A propos du LYSA

Le LYSA est une association  loi 1901 œuvrant à l’international,  pour la recherche  clinique contre le lymphome,

6ème cancer le plus fréquent en Europe. Labellisée  Groupe coopérateur  par l’Institut national du cancer (INCa) en novembre  2012,  il a ratifié  la charte  d’indépendance  des Groupes  coopérateurs  en oncologie.  Il fédère  un ensemble de 500 chercheurs dans 120 centres de soins en France et en Europe autour de la prise en charge des patients  atteints  de lymphome,  du diagnostic  jusqu’au  suivi  des patients  guéris.  Le groupe  mène  des projets depuis la première administration à l’homme de nouveaux traitements jusqu’à l’établissement de stratégies thérapeutiques  de référence.  Il collabore  avec de nombreuses  équipes  scientifiques  pour comprendre  et traiter les lymphomes, dont notamment l’institut Carnot CALYM (Consortium pour l’Accélération de l’innovation et de son transfert dans le domaine du LYMphome),  dont il est membre. Doté d’une structure de recherche  clinique et de plateformes de pathologie, biologie et imagerie, il propose une expertise complète et pluridisciplinaire.

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