Coronavirus et Cancer : conseils et recommandations

Coronavirus et Cancer : conseils et recommandations Les cancérologues Alain TOLEDANO et Nathaniel SCHER font le point sur le COVID-19 et ses liens à retenir avec le cancer.

Qu’est-ce que le coronavirus ?

En janvier 2020, un nouveau virus émergent a été identifié par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme étant responsable de cas groupés de pneumopathies en Chine. Il s’agit d’un coronavirus officiellement nommé le SARS CoV-2 (Severe Accute Respiratory Syndrom) et qui est responsable de la maladie COVID-19 (Corona Virus Disease). 

Comme pour les autres coronavirus humains, le SARS CoV-2 est transmis lors d’un contact étroit, par l’inhalation de gouttelettes infectieuses émises lors de toux ou d’éternuements.

La contagiosité est estimée à 2,7, c’est à dire, qu’un cas est susceptible d’infecter en moyenne entre 2 à 3 personnes. Le délai moyen d’incubation est de 5 jours, allant jusqu’à un extrême de 14 jours.

La propagation du virus à l’échelle mondiale constitue aujourd’hui une urgence de santé publique de portée internationale. La stratégie de réponse en fonction de la cinétique épidémique se déroule en 4 phases : freiner l’introduction du virus sur le territoire, freiner la propagation du virus, atténuer les effets de la vague épidémique, revenir à la situation antérieure.

Les patients suspects présentent :

  • un syndrome viral respiratoire haut ou bas
  • et/ou toux et/ou fièvre
  • et/ou céphalée (maux de tête)
  • et/ou asthénie (fatigue)
  • et/ou diarrhée.

Toute personne présentant un SDRA (Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë) dans un contexte possiblement viral et sans autre étiologie (cause) évidente d’emblée est aussi suspecte. 3 formes cliniques sont décrites : asymptomatique, forme non sévère (pas de virémie détectable) et forme sévère (virémie observable, leucopénie et thrombopénie = baisse des globules).

Quels sont les risques d’évolutions défavorables du Coronavirus ?

Les facteurs de risques d’évolutions défavorables sont :

  • personnes âgées de 70 ans et plus (même si les patients entre 50 ans et 70 ans doivent être surveillés de façon plus rapprochée) ;
  • les patients aux antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée, ATCD d’accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
  • les diabétiques insulinodépendants non équilibrés ou présentant des complications secondaires à leur pathologie ;
  • les personnes présentant une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale ;
  • patients présentant une insuffisance rénale chronique dialysée ;
  • malades atteints de cancer sous traitement lourd.

Malgré l’absence de données dans la littérature scientifique, en raison d’un risque présumé compte tenu des données disponibles sur les autres infections respiratoires, sont également considérés à risque :

  • les personnes avec une immunodépression congénitale ou acquise :
  • médicamenteuse : chimiothérapie anti cancéreuse, immunosuppresseur, biothérapie et/ou une corticothérapie à dose immunosuppressive,
  • infection à VIH non contrôlé ou avec des CD4
  • consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques,
  • liée à une hémopathie maligne en cours de traitement,
  • les malades atteints de cirrhose (au stade B de la classification de Child-Pugh au moins) ;
  • les personnes présentant une obésité morbide (indice de masse corporelle > 40 kg/m2) par analogie avec la grippe A (H1N1) 09.

L’évolution très rapide de l’épidémiologie nécessite de préciser la prise en charge des patients suspectés et confirmés, notamment celle des patients les plus fragiles. Les conseils donnés aux professionnels de santé et aux patients peuvent évoluer rapidement en fonction des données scientifiques recueillies chaque jour et aux recommandations médicales mises à jour régulièrement.

Pourquoi les patients atteints de cancer sont-ils plus susceptibles d’avoir des complications ?

Les patients atteints de cancers sont plus fragiles vis-à-vis de l’infection virale avec un risque 10 fois supérieur à la population générale de sepsis (infection sévère). Les traitements du cancer, à savoir la chimiothérapie, les thérapies ciblées et la radiothérapie (moins que la chimiothérapie) peuvent entrainer un déficit immunitaire de degrés variable, rendant le patient plus ou moins fragile aux infections. Les premières données dont nous disposons suggèrent que la fragilité des patients est bien plus liée à leur terrain personnel (âge, tabagisme) qu’au cancer lui-même ou ses traitements. Néanmoins, il est clair que le cancer est un facteur de risque d’évolution défavorable. 

D’après les données récentes des études chinoises, les patients récemment traités par chimiothérapie ou chirurgie dans le cadre de la prise en charge d’un cancer, étaient plus à risque que la population générale de présenter des formes graves d’infections au COVID-19 et d’installation plus rapide. Les patients atteints de cancer semblaient plus sujets au COVID-19 que la population générale (1 % vs 0,29 %). Cette population était également plus à risque de développer des complications respiratoires sévères nécessitant une hospitalisation en réanimation (39 % vs 8 %). Enfin, l’aggravation respiratoire était plus rapide chez les patients atteints de cancer.

Les patients en rémission ou guéris ne présentent pas plus que risque lié à l’antécédent de cancer. Les patients en cours d’hormonothérapie ne semblent pas plus à risque que la population générale. Lorsqu’un traitement symptomatique par anti-inflammatoires est prescrit, il est préférable d’arrêter ce traitement pour une alternative thérapeutique étant donné le taux de complications respiratoire plus sévère chez des patients ayant pris des anti-inflammatoires.

Conduites à tenir

Il est donc recommandé d’éviter le contact des patients infectés avec des patients atteints de cancer. Pour cela, il faut favoriser le confinement au domicile, limiter les déplacements à l’hôpital en favorisant la télémédecine, privilégier les formes orales de chimiothérapie lorsqu’elles sont plus ou moins équivalentes aux formes intraveineuses (ce qui n’est pas tout le temps le cas).

Pour les patients atteints de cancer, mais non infectés par le COVID-19

  • Suivre les règles d’hygiène générale (importante également pour les proches)
  • Proscrire le contact avec des personnes infectées ou présentant des symptômes
  • Poursuite des soins avec les ajustements proposés par l’équipe soignante
  • Prendre sa température 2 fois par jour

Pour les patients atteints de cancer et présentant des symptômes :

  • Appel du 15 et de l’oncologue référent pour décider de la suite de la prise en charge
  • Se poser la question de l’adaptation ou l’arrêt des traitements anti-tumoraux si infection prouvée
  • Ne pas se rendre dans les services d’oncologie ou de radiothérapie.

Cette revue didactique permet de faire la synthèse des connaissances actuelles. Nous ne pourrions pas être complets sans évoquer que cette épidémie virale est passagère, et que l’écrasante majorité de la population en guérira. Quand bien même les cancers traités guérissent souvent, leur risque est constant et les patients touchés ont déjà peur intensément. Un des enjeux en période de COVID19 sera de traiter le cancer et ses peurs ainsi que celle surajoutée du COVID19.

 

Docteur Alain TOLEDANO
Cancérologue Radiothérapeute
Président de l'Institut Rafaël, maison de l'après cancer
Président du conseil médical de l'Institut d'Oncologie des Hauts de Seine
Directeur médical de l'Institut de Radiochirurgie de Paris - Centre Hartmann
 
Docteur Nathaniel SCHER
Cancérologue radiothérapeute
 

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