Prix Nobel de médecine : une séquence qui préside au destin des protéines

Le Prix Nobel de médecine 1999, qui a été attribué lundi à Günter Blobel, consacre la découverte d'un mécanisme de la plus haute importance à la bonne marche de la cellule : celui qui permet à chaque protéine une fois synthétisée de trouver son chemin vers un organite ou la membrane plasmique.

Le Prix Nobel de médecine 1999, qui vient d’être attribuéà Günter Blobel, concerne un mécanisme moléculaire de la plus haute importance à la bonne marche de la cellule : celui qui permet à chaque protéine une fois synthétisée de trouver son chemin vers un organite ou la membrane plasmique.

La connaissance de ce processus d’adressage des protéines cellulaires permet de mieux appréhender la physiopathologie de certaines maladies et a des implications concrètes dans les biotechnologies.

“L’hypothèse du signal”

C’est en 1971, alors qu’il travaillait sur la question de savoir comment une protéine néosynthétisée par la cellule était guidée à travers le réseau dense du réticulum endoplasmique que Blobel émit “l’hypothèse du signal”. Il suggéra que les protéines qui doivent cheminer à travers la cellule pour être sécrétées à l’extérieur de celle-ci contiennent un signal propre qui les dirige vers et à à travers les membranes de cet organite.

“Günter Blobel a été le premier à concevoir que l’information qui détermine la localisation d’une protéine est contenue dans la séquence primaire. Il a conduit le premier des travaux pour démontrer que c’était bien le cas pour les protéines sécrétées. Ce concept a par la suite connu une bonne fortune puisque l’on sait maintenant que des séquences particuliaires sont nécessaires pour acheminer une protéine vers le noyau, vers les péroxysomes ou la matrice mitochondriale”, indique à caducee.net le Pr Daniel Louvard, directeur de la section recherche à l’Institut Curie (Paris) et directeur d’une équipe CNRS.

“Le grand mérite de Günter Blobel est d’avoir formulé cette hypothèse qui s’est avérée parfaitement correcte par la suite. Cette hypothèse a été fondatrice dans la mesure où elle est à la base de tous les travaux qui devaient suivre sur ce qu’on appelle la translocation des protéines”, nous déclare Anthony Pugsley, chef de laboratoire au département de biologie moléculaire à l’Institut Pasteur (Paris), qui travaille sur le triage des protéines chez les bactéries.

Signal de triage

Le tri protéique commence lorsque protéine est adressée à un autre compartiment intracellulaire, tel que le noyau, une mitochondrie, le réticulum endoplasmique, ou les chloroplastes des cellules végétales.

La protéine est guidée par un signal, appelé ‘séquence signal’, contenu au sein même de la séquence en acides aminés, le plus souvent situé en tête de protéine, parfois plus à l’intérieur.

Schématiquement, pour les protéines de sécrétion, cette séquence signal est reconnue par une ‘particule de reconnaissance de signal’, ou SRP. Celle-ci agit comme un facteur essentiel au passage de la protéine à travers la membrane du réticulum endoplasmique (RE) en se fixant elle-même à un récepteur sur le RE. C’est donc la séquence signal portée par la chaîne polypeptidique naissante qui guide provoque le passage de celle-ci à travers la membrane du réticulum endoplasmique.

Cette séquence signal est souvent, mais pas toujours, retiré de la protéine une fois prise la décision de tri. Autrement dit, elle n’est pas retrouvée dans le produit mature.

L’importance de ces acides aminés dans le choix des adresses protéiques a été démontrée par des expériences dans lesquelles la séquence signal est transférée d’une protéine à l’autre. Des expériences de biologie moléculaire ont ainsi montré que le fait de placer la séquence signal du réticulum endoplasmique au début d’une protéine de localisation cytoplasmique aboutit à la réexpédier vers le réticulum endoplasmique.

Code postal

Ce sont donc des signaux inhérents aux protéines qui les orientent vers les différents compartiments de la cellule. Ces signaux peuvent être comparés à un code postal imprimé sur une lettre dont il importe qu’elle parvienne au bon destinataire ou encore à une étiquette sur un bagage qui doit arriver à bon port.

Ce processus d’adressage protéique est universel car il opère de la même manière dans les levures, les bactéries, les cellules de plantes et d’animaux. Chez l’homme, la production des anticorps par les cellules du système immunitaire fait notamment appel à de tels signaux.

Maladies par défaut de transport

L’altération du signal de triage d’une protéine peut entraîner un mauvais acheminement du polypeptide dans la cellule. Ainsi, une mutation dans une séquence de localisation peut faire en sorte que la protéine, qui aurait été normalement active, ne puisse aller à la place qui doit être la sienne. C’est ce que l’on observe notamment dans les maladies lysosomales et dans l’emphysème par déficit en alpha-1-antitrypsine.

Un autre exemple est représenté par l’oxalose, une affection métabolique qui se manifeste par néphrocalcinose entraînant une insuffisance rénale progressive. De même, certaines formes d’hypercholestérolémie familiales sont dues à un dysfonctionnement du signal de transport dans le récepteur des LDL. Enfin, on observe une mauvaise localisation de la protéine CFTR dans la mucoviscidose.

Production de médicaments et thérapie génétique

La connaissance du peptide signal d’une protéine permet de produire des substances d’intérêt thérapeutique par des cellules complexes, comme des levures. le génie génétique permet d’insérer sans les gènes qui code pour une substance des séquences ADN qui contrôlent les signaux de transport.

Par ailleurs, la connaissance des mécanismes d’adressage des protéines vers les divers compartiments cellulaires s’avère essentielle dans la mise au point de thérapies géniques visant à cibler une protéine dans un site cellulaire particulier où elle fait défaut.

En effet, “si l’on veut acheminer une protéine recombinante dans un compartiment cellulaire, il importe d’y associer les signaux d’adressage adéquats pour assurer sa bonne localisation”, souligne Anthony Pugsley (Institut Pasteur, Paris).

C’est le cas lorsqu’on veut que la protéine CFTR chemine à travers les membranes du réticulum endoplasmique pour s’intégrer dans la membrane plasmique de la cellule. De même, c’est une séquence signal qui permet à l’insuline de traverser la membrane du réticulum endoplasmique afin d’être sécrétée par la cellule. Sans son peptide signal, l’insuline reste dans le cytoplasme et ne peut donc agir comme une hormone.

On peut dire que le Prix Nobel de médecine 1999 vient honorer une grande découverte en biologie cellulaire qui pour le profane pourrait tenir en une simple formule : une protéine pour chaque chose et chaque chose à sa place.

 

 

Source : Institut Karolinska http://www.nobel.se/announcement-99/med-press-f.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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