Grève des radiologues : une mobilisation contre les baisses tarifaires qui menace l'imagerie médicale
Des coupes tarifaires actées et un recours officiel
Pour les cabinets, la trajectoire tarifaire ne se réduit pas à une ligne comptable : elle conditionne les investissements, la maintenance et la disponibilité des créneaux.
Le 14 octobre 2025, l’UNCAM a adopté une décision modifiant la liste des actes et prestations pris en charge, avec une entrée en vigueur au 5 novembre 2025 ; la publication au JO confirme ce calendrier[2][3]. Les baisses touchent notamment les forfaits techniques et certains modificateurs, selon les documents officiels et la presse professionnelle[2][4][5].
Dans un communiqué du 4 novembre, la FNMR annonce une grève nationale le 10 novembre et un « recours officiel » contre le protocole imagerie du 16 octobre 2025 signé avec la CNAM[1]. « Économiquement absurde et médicalement irresponsable » : c’est en ces termes que la rédaction de What’s up Doc rapporte la position de Jean-Philippe Masson, président de la FNMR[4]. Le G4, Conseil national professionnel de la radiologie française, alerte de son côté sur « l’absence d’accord équilibré » et craint « un recul majeur de l’offre radiologique »[6].
Une pression accrue sur l’offre d’imagerie et les délais
Selon l’IGAS-IGF, les dépenses d’imagerie en coupe représentent 5,9 Md€ de remboursements annuels dont 1,7 Md€ de forfaits techniques ; les volumes d’examens en coupe ont fortement augmenté depuis 2019[7]. Le rapport IGAS-IGF remet ces chiffres en perspective : maîtriser la dépense sans dégrader l’accès ni la qualité.
La FNMR a par ailleurs lancé depuis le 1er octobre une grève de la permanence des soins en établissements de santé (PDSES) et diffuse un « kit de crise » de mobilisation. Elle appelle à informer parlementaires et associations de patients, et à des actions juridiques ordinales et administratives[8]. La presse spécialisée décrit une trajectoire de baisses en plusieurs étapes, avec un premier palier au 5 novembre 2025, puis des dévalorisations en 2026 et début 2027[5].
Impacts attendus pour les patients et les prescripteurs
Le 10 novembre, les cabinets libéraux devraient être fermés, avec maintien des urgences vitales si réquisition. Pour les usagers, l’imagerie est souvent le « goulot » déterminant du délai global ; toucher à cette capacité, c’est prendre le risque d’un effet domino.
Dans un contexte d’ONDAM 2026 contraint, des tensions sont aussi pointées entre maîtrise des dépenses et accès aux soins[9]. Pour les prescripteurs, l’accès à des équipements récents et à des créneaux rapides demeure un facteur clé de qualité et de sécurité du parcours.
En toile de fond, la question de la soutenabilité des investissements et de la pertinence des indications revient comme un boomerang dans le débat public. Attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain : la pertinence des actes ne se décrète pas, elle se construit avec des outils, des équipes et du temps.
Rapport IGAS‑IGF : un diagnostic biaisé qui élude les réalités de terrain
Le rapport IGAS à l'origine de ces baisses tarifaires simplifie à l’excès des réalités hétérogènes.
La comparaison de revenus opérée par le rapport est trompeuse. Elle juxtapose des modèles économiques qui n’ont rien de comparable : l’exercice artisanal d’un généraliste et l’activité capitalistique d’un cabinet de radiologie impliquant équipements lourds, dette et prise de risque. Le revenu libéral pur des radiologues est comparable à celui des autres spécialistes 118 368 € (CARMF 2022).
La mécanique des économies est présentée comme évidente mais le modèle d’impact sur l’accès et la qualité reste lacunaire. Aucune simulation robuste de délais, d’obsolescence du parc, de fuite d’actes vers l’hôpital ou le privé non conventionné. En ciblant d’abord les forfaits techniques, le rapport traite le symptôme prix sans traiter la pertinence des prescriptions, l’optimisation des flux, ni la pénurie de manipulateurs et radiologues.
La gouvernance est biaisée par une lecture budgétaire court‑termiste. Le rapport sous‑pondère les gains cliniques et organisationnels de l’imagerie précoce et protocolisée, et ne documente pas le coût des non‑examens ou des examens retardés. Résultat : une feuille de route qui promet des économies comptables mais risque de dégrader l’efficience réelle du système, avec plus de files d’attente, plus de réhospitalisations, et moins d’innovation financée.
Enfin, la trajectoire proposée ignore les cycles d’intégration des innovations (IA clinique, faible dose, reconstruction, outils de tri) et la pénurie de manipulateurs et radiologues. Or réduire les marges aujourd’hui, c’est geler demain la modernisation des plateaux et la formation continue, alors même que l’imagerie conditionne l’efficience des filières AVC et oncologie. L’addition se paie en retards diagnostiques, en réhospitalisations évitables et en perte d’attractivité des métiers
Valeur clinique et économique de la radiologie
Au-delà des débats techniques, l’imagerie est une infrastructure clinique. La considérer comme une simple charge revient à confondre coût et investissement.
La radiologie n’est pas une dépense accessoire mais un levier d’efficience : elle raccourcit les délais diagnostiques, évite des hospitalisations inutiles et oriente plus tôt vers les traitements efficaces, en particulier dans les filières AVC, oncologie et traumatologie. Investir dans des équipements fiables et des créneaux supplémentaires réduit les retards, sécurise les parcours et limite les coûts en aval liés aux complications, aux réadmissions et à l’invalidité. À l’échelle populationnelle, chaque examen pertinent améliore la pertinence des prescriptions, fluidifie la prise en charge et soutient la prévention secondaire. Pour mesurer ce rendement, des innovations en imagerie — IA, reconstruction itérative, faible dose — montrent déjà des gains concrets (analyse).
Toute modification tarifaire affecte les cycles d’investissement, le renouvellement du parc et la disponibilité territoriale ; l’évaluation de l’impact doit intégrer ces paramètres de capacité et d’équité d’accès.
Références
[1] FNMR. « Imagerie Médicale : Les médecins radiologues à bout face aux nouvelles coupes du PLFSS 2026 ». 4 novembre 2025. Lien
[2] Légifrance. « Décision du 14 octobre 2025 de l’UNCAM relative à la liste des actes et prestations ». JO. Lien
[3] Légifrance. « Décision du 14 octobre 2025 de l’UNCAM ». Texte consolidé. Lien
[4] What’s up Doc. « Imagerie médicale : les radiologues en grève le 10 novembre contre le PLFSS 2026 et les nouvelles coupes tarifaires ». 4 novembre 2025. Lien
[5] Docteur Imago. « Les forfaits techniques à taux plein baisseront de 8 % au 5 novembre puis de 10 % en 2026 ». 21 octobre 2025. Lien
[6] Thema Radiologie. « Baisses tarifaires en radiologie : le G4 craint un recul majeur de l’offre radiologique ». 28 octobre 2025. Lien
[7] Vie-publique (IGAS-IGF). « Pertinence et efficience des dépenses de radiologie ». 15 juillet 2025. Lien
[8] FNMR. « Kit de crise ». Mis à jour octobre 2025. Lien
[9] Caducee.net. « L’ONDAM 2026 augure d’une cure d’austérité pour la santé ». 17 octobre 2025. Lien
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