Réduire le risque de transmission du VIH de la mère à l'enfant

La majorité des femmes enceintes et porteuses du VIH ont été infectées lors de rapports sexuels non protégés. Par conséquent, les prestataires de soins devraient se rendre compte que l'avancement des messages de prévention du VIH parmi les femmes constitue le meilleur moyen de prévenir l'infection au VIH chez les enfants. En ce qui concerne les femmes déjà infectées, la contraception est un autre moyen d'éviter la propagation du VIH parmi les nouveau-nés.

Quoiqu'il soit clair que les infections peuvent avoir lieu in utero, en cours d'accouchement, ou bien par l'allaitement, les chercheurs n'ont pas pu déterminer les risques relatifs associés à chacune de ces phases.

"Il se peut qu'à l'avenir, de nouvelles recherches permettent de changer les recommandations pour aider les femmes infectées par le VIH à protéger leurs enfants contre la maladie", explique Elizabeth Preble, membre du projet AIDSCAP de lutte et de prévention contre le sida de FHI. "Dans l'intérim, cependant, nos décideurs doivent comprendre que nos connaissances actuelles à l'égard de la transmission du VIH au nouveau-né concernent, entre autres, des questions aussi complexes que le choix de l'allaitement ou du biberon et la disponibilité des tests de dépistage du VIH, ainsi que la question de se faire tester volontairement." Mme Preble prépare actuellement pour le compte de l'OMS des lignes directrices pour la prévention des MST dans le cadre de la santé maternelle et infantile et de la planification familiale.

Grossesse et accouchement

Le stade d'infection de la mère peut, en cours de grossesse, influencer le taux de transmission périnatale. Plus la progression de la maladie, mesurée par la charge virale ou par le nombre de cellules CD4, est importante chez la mère, plus la possibilité de transmission est grande. D'autres facteurs pouvant augmenter les risques comprennent les hémorragies en cours d'accouchement, les accouchements par voie vaginale, la durée de l'accouchement au-delà de la rupture des membranes, et certaines approches obstétriques. L'amniocentèse ou d'autres procédés chirurgicaux peuvent également accroître les risques.2

En 1994, des essais cliniques ont démontré qu'une thérapie médicamenteuse à base de zidovudine (AZT) diminuait le taux de transmission de la maladie de la mère vers le nouveau-né. L'AZT était administré aux femmes passé le premier trimestre de la grossesse, par voie intraveineuse pendant le travail et l'accouchement, puis au nouveau-né pendant ses six premières semaines de vie.3 Dans les pays où l'AZT est disponible, l'utilisation de cette thérapie a augmenté de manière spectaculaire suivant la publication du rapport de l'étude.

Lors d'une étude de suivi portant sur 103 enfants dont les mères infectées avaient été traitées à l'AZT et sur 453 enfants dont les mères n'avaient pas reçu le traitement, le taux de transmission du VIH chez celles qui n'avaient pas été traitées à l'AZT était de 19 pour cent, par rapport à 8 pour cent chez celles qui avaient reçu la thérapie.4

Pour l'heure, le coût de médicaments tels que l'AZT est trop prohibitif pour la majorité des pays en développement. De nouvelles recherches s'adressent à des médicaments et des régimes plus simples qui pourraient éventuellement limiter la transmission à un prix plus abordable.

Au mois de janvier, un groupe d'experts des Instituts nationaux de la santé des Etats-Unis (NIH) a recommandé que les mères infectées continuent de suivre un traitement à l'AZT afin de réduire les risques d'infection de leurs bébés, et cela malgré une étude de l'Institut national du cancer qui soulevait des questions à propos de cette drogue, à savoir si elle augmentait les risques de cancer. L'étude avait déterminé que de fortes doses d'AZT augmentaient l'incidence de cancer du poumon, du foie et de la peau chez les souris nouveau-nées. Il n'y a cependant pas de preuve qu'un enfant humain ait jamais contracté de cancer suite à un traitement à l'AZT, et une étude du fabricant de l'AZT n'a trouvé aucun risque chez les souris lorsque les doses administrées étaient proportionnellement comparables à celles données aux femmes enceintes.

D'autres études sont en cours concernant les traitements à base d'une immunoglobuline spéciale contenant des anticorps de VIH. Cette immunoglobuline est tirée d'individus infectés, pour être ensuite soigneusement traitée afin d'éliminer la présence du VIH et des autres agents infectieux. En théorie, ce traitement devrait renforcer le système immunitaire des femmes enceintes et des nouveau-nés de manière à réduire les risques de transmission du virus de la mère à l'enfant.

Certaines études ont suggéré que le recours à l'accouchement par césarienne chez les femmes infectées par le VIH pouvait protéger l'enfant en lui évitant d'avoir à passer par les voies génitales où il entrerait en contact avec le sang infecté et les fluides cervicaux de la mère. Les résultats de ces études restent cependant ambigus.

De surcroît, l'accouchement par césarienne, surtout dans les pays en développement, s'accompagne d'un risque de mortalité post-opératoire relativement élevé. Deux études récentes ont indiqué que les complications suivant un accouchement par césarienne sont chose courante chez les femmes séropositives, surtout chez celles dont le système immunitaire a été fortement affaibli.5

Les interventions obstétriques qui ont des chances d'augmenter le risque de transmission du VIH devraient être évitées. Puisque la rupture des membranes plus de quatre heures avant l'accouchement augmente le risque de transmission du VIH, le percement intentionnel de celles-ci, en vue d'induire ou d'accélérer les contractions, est à proscrire.6 Par ailleurs, l'introduction d'électrodes de cuir chevelu devrait être évitée lorsque des sondes externes permettent de contrôler les contractions en toute sûreté.7

Parmi les autres types d'intervention se trouvent la désinfection des voies génitales des femmes séropositives, et l'emploi de la vitamine A. Selon une étude récente au Malawi, l'utilisation de la chlorhexidine pour laver les voies génitales des femmes séropositives n'a diminué le taux de transmission que lorsque les membranes des femmes avaient été percées plus de quatre heures avant l'accouchement.8 Lors d'une autre étude entreprise au Malawi, il fut avancé que le déficit de vitamine A chez les femmes enceintes augmentait les risques de transmission périnatale.9 Un programme d'apport supplémentaire de vitamine A est actuellement en cours d'étude. Un tel programme apporterait une solution simple et économique aux problèmes des régions pauvres.

L'allaitement

Les avantages que représentent l'allaitement sont bien connus : il contribue au développement des voies gastro-intestinales et au système immunitaire du nouveau-né, et grâce à ce renforcement du système immunitaire, l'enfant est mieux protégé contre les maladies telles que la méningite et les troubles respiratoires. L'allaitement protège les bébés contre la diarrhée, cause principale de la mortalité infantile dans les pays en développement, tout en leur procurant une excellente alimentation, sans risque de contamination éventuelle due aux eaux insalubres. Il est également bénéfique pour la mère, car il accélère la récupération pendant la période du post-partum et réduit les risques de cancer du sein. Enfin, l'allaitement constitue un des composants principaux de la méthode de l'allaitement maternel et de l'aménorrhée (la MAMA) dans la prévention des grossesses.

Cependant, la recherche a définitivement établi que le VIH peut être transmis par le lait maternel. Une analyse de quatre études portant sur des femmes ayant contracté le VIH après l'accouchement a déterminé que le taux de transmission par allaitement était de l'ordre de 29 pour cent. Dans le cadre de cette même analyse, cinq études distinctes où la femme avait été infectée avant l'accouchement ont aussi été examinés. L'analyse a constaté que l'allaitement présentait un risque de transmission supérieur à celui des transmissions in utero ou en cours d'accouchement de l'ordre de 14 pourcent.10

Plusieurs modèles scientifiques ont essayé de déterminer si la transition de l'allaitement vers le biberon égalerait, augmenterait ou diminuerait le taux de mortalité enfantine. Ces modèles pesaient les risques d'infection par le VIH par rapport aux risques de mortalité dus à la diarrhée ou aux autres infections.11

Les modèles scientifiques proposent des scénarios d'allaitement spécifiques pour chacun de trois situations différentes décrites ci-après. La majorité de ces modèles estiment que lorsque la mortalité infantile, la prévalence du VIH et la mortalité des nourrissons au biberon sont élevées, toute transition du sein maternel vers le biberon risquerait de compromettre les chances de survie de l'enfant.

Dans les pays industrialisés, où l'utilisation du biberon n'a que peu d'effet sur le taux de mortalité enfantine, l'utilisation du biberon par les femmes séropositives peut augmenter les chances de survie de l'enfant.

Pour ce qui est des situations socio-économiques intermédiaires, la politique applicable a besoin de clarification. En 1992, l'OMS et l'UNICEF (le Fonds des Nations Unies pour l'enfance) ont soigneusement considéré les risques relatifs avant de formuler leurs recommandations concernant ces situations intermédiaires. Là où les autres maladies transmissibles et la malnutrition constituent la cause principale de mortalité enfantine, ces recommandations veulent que "l'allaitement soit conseillé aux femmes séropositives, car les risques d'infection du nourrisson par l'allaitement seront vraisemblablement inférieurs aux nombreux autres risques de mortalité résultant du manque d'allaitement."12

Peu des pays en développement sont en mesure d'offrir de façon universelle des tests de dépistage du VIH aux femmes enceintes. La Thaïlande est une des exceptions où de telles épreuves sont pratiquées dans certaines régions. "Les femmes dont la séropositivité a été décelée au début de la période de gestation sont conseillées d'avoir un avortement, tandis que celles dont la gestation est plus avancée sont conseillées d'utiliser le biberon avec le lait en poudre qui leur est remis à cet effet", indiquent le docteur Angus Nicoll et ses collègues du Centre de surveillance des maladies transmissibles à Londres.13 Le counseling et le dépistage volontaire du VIH peuvent offrir aux femmes enceintes les informations qui leur sont nécessaires afin d'arriver à une décision informée sur leur gestation en cours, ainsi que sur leur avenir en tant que procréatrice.

-- William R. Finger

 

Notes

  1. Joint United Nations Programme on HIV/AIDS (UNAIDS). HIV and infant feeding: An interim statement. Wkly Epidemiol Record 1996;71:289-91.
  2. Sperling RS, Shapiro DE, Coombs RW, et al. Maternal viral load, zidovudine treatment, and the risk of transmission of human immunodeficiency virus type 1 from mother to infant. N Engl J Med 1996;335(22):1621-29; Mandelbrot L, Mayaux M-J, Bongain A, et al. Obstetric factors and mother-to-child transmission of human immunodeficiency virus type 1: The French perinatal cohorts. Am J Obstet Gynecol 1996;175(3):661-7; Landesman SH, Kalish LA, Burns DN, et al. Obstetrical factors and the transmission of human immunodeficiency virus type 1 from mother to child. N Engl J Med 1996;334(25):1617-23; St. Louis ME, Kamenga M, Brown C, et al. Risk for perinatal HIV-1 transmission according to maternal immunologic, virologic, and placental factors. JAMA 1993;269(22):2853-59.
  3. Zidovudine for the prevention of HIV transmission from mother to infant. MMWR 1994;43:285-7.
  4. Cooper ER, Nugent RP, Diaz C, et al. After AIDS clinical trial 076: The changing pattern of zidovudine use during pregnancy, and the subsequent reduction in the vertical transmission of human immunodeficiency virus in a cohort of infected women and their infants. J Infect Dis 1996;174:1207-11.
  5. Bulterys M, Chao A, Dushimimana A, et al. Fatal complications after Cesarian section in HIV-infected women. AIDS 1996; 10(8):923-4; Semprini AE, Castagna C, Ravizza M, et al. The incidence of complications after caesarean section in 156 HIV-positive women. AIDS 1995;9(8):913-7.
  6. Landesman.
  7. Landers D, Sweet R. Reducing mother-to-infant transmission of HIV -- the door remains open. N Engl J Med 1996;334(25):1664-5.
  8. Biggar RJ, Miotti PG, Taha TE, et al. Perinatal intervention trial in Africa: Effect of a birth canal cleansing intervention to prevent HIV transmission. Lancet 1996; 347:1647-50.
  9. Semba RD, Miotti PG, Chiphangwi JD, et al. Maternal vitamin A deficiency and mother-to-child transmission of HIV-1. Lancet 1994;343:1593-7
  10. Dunn DT, Newell ML, Ades AE, et al. Risk of human immunodeficiency virus type 1 transmission through breastfeeding. Lancet 1992;340:585-8.
  11. Nicoll A, Newell M-L, Van Praag E, et al. Editorial review: Infant feeding policy and practice in the presence of HIV-1 infection. AIDS 1995;9:107-19; Kennedy KI, Fortney JA, Bonhomme MG, et al. Do the benefits of breastfeeding outweigh the risk of potential transmission of HIV via breastmilk? Trop Doct 1990;20:25-29.
  12. Consensus Statement from the WHO/UNICEF Consultation on HIV Transmission and Breastfeeding, Geneva 30 April-1 May, 1992.
  13. Nicoll.

    Network, Hiver 1997, Volume 17, Numéro 2 .

    © Copyright 1999, Family Health International (FHI)


 

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